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jeunes filles, quelques-unes âgées de douze ans, ont été prises de force par les Cafres de la tribu de Khama, après une marche de 60 milles : quatre Cafres les tenaient pour permettre aux soldats anglais d’assouvir leurs instincts. Quelques-unes d’entre elles sont actuellement ici (à Johannesburg), à l’hôpital, malades de la syphilis ; je les ai vues moi-même. Le gouvernement rendra publics les affidavit (témoignages légalisés). » Il faut attendre cette publication, sans laquelle il ne saurait y avoir de certitude. Tout ce qu’on peut dire à la décharge du gouvernement anglais, c’est que son armée est composée d’élémens hétérogènes, et qu’un certain nombre de ses soldats, habitués à combattre hors d’Europe, n’ont pas la moindre notion des lois et coutumes de la guerre entre peuples civilisés. Toutefois, c’est au gouvernement des belligérans qu’il appartient d’inculquer aux combattans le sentiment de leurs devoirs militaires.

Les Anglais paraissent avoir fait, au contraire, un certain effort pour se conformer, sur un autre point de leur territoire colonial, à la deuxième convention de la Haye (art. 4 et 7), d’après laquelle tout belligérant doit, à défaut d’une entente spéciale, traiter ses prisonniers de guerre, pour la nourriture, le couchage et l’habillement, sur le même pied que ses propres troupes. Le télégramme du Cap du 16 janvier, publié par le Times du 18 janvier, fait ressortir que 450 prisonniers boers, transférés à bord de la Catalonia, s’ils « manquent absolument de confort et d’exercice à bord de ce navire[1], » sont logés et traités comme 1 200 soldats anglais.

Les Boers n’ont pas été représentés à la conférence de la Haye ; mais ils prouvent d’une façon péremptoire à toutes les nations civilisées qu’ils auraient mérité d’y être invités. Le 23 novembre, c’est un correspondant du Morning Post qui ne tarit pas en éloges sur les bons traitemens qu’ils prodiguent aux prisonniers anglais : ils vont jusqu’à leur offrir des cigarettes ! Le 17 décembre, c’est lord Methuen qui envoie une lettre de remerciemens au général Kronje pour les bons procédés des Boers envers les ambulances et les hommes de corvée affectés à l’enterrement des cadavres anglais. Le capitaine-adjudant Rice, des Royal-Irish fusiliers, blessé à Nicholson’s Neck, devient le plus

  1. « Les entreponts sont noirs et sans air, ajoute la dépêche ; les hommes sont entassés les uns sur les autres. »