Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/558

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un Raffet, d’un Charlet, d’un Béranger, rien qui puisse être comparé à Servitude et Grandeur militaires comme les comprit un Vigny, comme notre armée les comprend encore. Cette peinture des mœurs brutales d’une soldatesque coloniale qui a pour patrie « la moitié de la terre, » ce qui doit rendre très vague sa notion du patriotisme, est au fond triste et amère. Il vous en reste l’horreur de ces guerres lointaines entreprises sous des prétextes hypocrites qui recouvrent le goût effréné de la domination et du lucre.

Une leçon se dégage de la lecture que nous venons de faire. Gardons l’enthousiasme traditionnel pour nos soldats. Ne nous exposons pas à ce qu’un poète de chez nous ait à chanter un jour la chanson de Tommy, ce Tom Atkins injurié par les gens respectables tant qu’ils n’ont pas besoin de lui, puis porté en triomphe par ces mêmes gens lorsqu’il marche au feu pour le plus grand repos des bourgeois.


O it’s Tommy this and Tommy that, an’ Tommy go away ;
But it’s thank you, mister Atkins, when the band begins to play.


Il est vrai que chez nous, Dieu merci, le soldat c’est la France tout entière, et que cette raison doit suffire pour qu’on le respecte et qu’on l’aime.


TH. BENTZON.