Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


III. — ABUS DU PAVILLON PARLEMENTAIRE. — BLESSÉS ; VIOLATIONS DE LA CONVENTION DE GENÈVE. — PRISONNIERS

Au contraire, le gouvernement de Sa Majesté britannique a signé sans réserve la deuxième convention de la Haye (concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre), et par suite adhéré pleinement au règlement en soixante articles, annexe de cette convention.

Or ce règlement contient un chapitre intitulé : « Des parlementaires. » S’il proclame, en thèse, l’inviolabilité de l’individu qui se présente, autorisé par un des belligérans, avec le drapeau blanc, il ajoute : « Le chef auquel un parlementaire est expédié n’est pas obligé de le recevoir en toutes circonstances. Il peut prendre toutes les mesures nécessaires afin d’empêcher le parlementaire de profiter de sa mission pour se renseigner. Il a le droit, en cas d’abus, de retenir temporairement le parlementaire (art. 33). » « Le parlementaire perd ses droits d’inviolabilité, s’il est prouvé d’une manière positive et irrécusable qu’il a profité de sa position privilégiée pour provoquer ou commettre un acte de trahison. » Les instructions américaines de 1863 allaient encore plus loin, puisqu’elles assimilaient dans ce cas à l’espion[1] le porteur du drapeau parlementaire. Ces maximes sont d’ailleurs fort anciennes : les puissances représentées à la Haye ont voulu les constater et les codifier, mais n’ont pas prétendu les introduire dans le droit des gens.

Les Anglais ont reproché six fois aux Boers soit d’avoir méconnu les immunités du pavillon parlementaire, soit d’en avoir abusé[2]. Si nous ne nous trompons, il n’est point démontré que

  1. Art. 114. Or, aux termes des mêmes instructions, l’espion pouvait être pendu (art. 8).
  2. D’après une dépêche publiée le 10 novembre 1899 par le War Office, les Boers auraient envoyé, le 9 novembre, au général White, sous la protection d’un parlementaire, quelques réfugiés venant du Transvaal. Un parlementaire anglais serait allé les recevoir au-delà des piquets plantés par les assiégés de Ladysmith ; lorsque les deux parlementaires se sont séparés, les canons boers auraient « ouvert le feu sur l’envoyé anglais avant qu’il eût atteint les piquets. » Pour la quatrième fois, lit-on dans le Journal des Débats du 20 novembre, « les troupes britanniques dénoncent une pratique de leurs adversaires contraire aux lois de la guerre. Les Boers montrent le drapeau blanc et les officiers anglais font cesser le feu : les Boers en profitent alors pour tirer de nouveau. » Enfin les Boers auraient encore tiré, dans la dernière semaine de janvier, sur le colonel Thorney Croft, qui avait quitté les lignes anglaises pour conférer à l’abri du drapeau parlementaire avec le commandant d’une de leurs patrouilles.