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II. — DES MOYENS DE NUIRE A L’ENNEMI. — OBUS A LA LYDDITE OU AU PÉTROLE. — BALLES « DUM-DUM »

1° La conférence de la Haye, on le sait, a voté successivement trois conventions et trois déclarations, sans parler de six vœux, dont le premier[1] fut unanimement adopté, les cinq autres furent adoptés à l’unanimité sauf quelques abstentions.

La deuxième déclaration concernait « l’interdiction de l’emploi des projectiles qui ont pour but unique de répandre des gaz asphyxians ou délétères ; » la troisième, « l’interdiction de l’emploi de balles qui s’épanouissent ou s’aplatissent facilement dans le corps humain. » L’Angleterre a signé les trois conventions[2] et refusé de mettre sa signature au bas des trois déclarations. Quant aux deux républiques sud-africaines, elles n’ont rien signé du tout, n’étant pas représentées à la Haye.

Mais, si les trois déclarations ont formé des liens strictement obligatoires entre les puissances signataires en cas de guerre ou entre plusieurs d’entre elles, il ne faut pas se figurer qu’elles aient créé tout d’une pièce un droit des gens ; elles l’ont, sur plus d’un point, constaté, fortifié, sanctionné. Certains principes antérieurs à la réunion de la Conférence ne se sont pas écroulés parce que les puissances ont ajourné leur vote et suspendu leur adhésion.

Dans l’antiquité grecque et romaine, on regardait, déjà comme illicite l’emploi du poison contre un ennemi dans une guerre en forme[3]. Manou, l’ancien législateur de l’Inde, avait posé le même principe[4]. Les instructions américaines de 1863 n’innovaient donc en aucune manière lorsqu’elles posaient cette règle : « L’emploi du poison, de quelque manière que ce soit, qu’il ait pour but d’empoisonner les puits, les alimens, les armes, est absolument proscrit dans les guerres modernes : celui qui y recourt se met lui-même hors la loi et les usages de la guerre[5]. » Le

  1. Relatif à la prompte réunion d’une conférence pour la révision de la convention de Genève.
  2. En faisant des réserves sur l’art. 10 de la convention pour l’adaptation à la guerre maritime des principes de la convention de Genève du 22 août 1864.
  3. Grotius, Le Droit de la Paix et de la Guerre, t. III, ch. IV, § 15 à 19.
  4. T. VII, p. 96.
  5. Art. 70.