Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/453

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelques romans écrits à la diable, sans composition, sans style, sans vraisemblance. Un coup de chance lui avait valu le succès de la Dame aux Camélias. Comme il avait fait pour cette dernière pièce, il tira Diane de Lys d’un de ses romans déjà parus. Il paraît que l’idée première lui en avait été fournie par une aventure personnelle. Et cela nous est bien indifférent. Ce qui nous intéresse beaucoup plus, c’est de voir combien il s’y est souvenu des procédés du théâtre romantique et notamment du théâtre de Dumas père. Le premier en date des drames de l’école, le plus vieux drame du vieux Dumas, tel est le modèle qu’il a fidèlement calqué. Enlevez à Henri III et sa Cour le décor XVIe siècle, ce qui est facile puisque ce décor est plaqué, et vous aurez Diane de Lys. Sous le costume Renaissance ou sous le costume du milieu de notre siècle, ce sont les mêmes personnages et c’est le même romantisme à la mode de 1829. Et Diane de Lys fait pareillement songer à Antony, à Kean, à Hernani : c’est un centon du théâtre de Dumas père et de Victor Hugo, c’est le « drame de passion » dans toute son horreur romantique.

Une femme qui s’ennuie profite d’une absence de son mari pour filer le parfait amour avec un jeune homme quelconque dont tout le mérite consiste à s’être trouvé là à propos, quoi de plus ordinaire, de plus banal, de plus médiocre, et de plus ressemblant à la vie ? Il s’agit de trouver de ce fait divers une traduction romanesque et théâtrale, en sorte qu’il devienne impossible de prendre au sérieux le drame qui va se dérouler devant nous. C’est le résultat que Dumas obtient tout de suite, grâce aux moyens que lui offre en abondance le répertoire contemporain. Une grande dame, une très grande dame, une comtesse, Diane de Lys, a accepté, dans l’atelier d’un peintre qu’elle ne connaît pas, un rendez-vous avec un ancien soupirant qu’elle n’a pas revu depuis cinq ans. Elle arrive, à la nuit close ; se glisse dans la pièce déserte et sombre, troublée délicieusement par ce mystère, par ces ténèbres, par la conviction où elle est qu’elle fait quelque chose d’anormal. Pour occuper l’ennui de l’attente, elle ouvre les meubles, fouille dans les tiroirs, lit les lettres. Bruits au dehors, voix derrière la porte. « Est-ce vous ? » Début plein de promesses et qui dès les premières scènes nous lance en plein roman ! — Diane de Lys était destinée à aimer le peintre Paul Aubry, comment va-t-elle le rencontrer ? Justement il stationnera dans la rue un beau soir et il n’y aura qu’à le faire monter. Et justement il aura trouvé dans son atelier une bague qu’il reconnaîtra au doigt de son aristocratique interlocutrice. — Une femme méchante, perfide, comme la Milady des Trois Mousquetaires,