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décrets-lois n’avaient été appliqués qu’en matières financière et douanière, mais jamais quand il s’agissait de questions purement politiques aussi graves que celles qui étaient en jeu. Aussi des gens scrupuleux, n’appartenant même pas à l’opposition proprement dite, émettaient-ils l’opinion que, si le ministère était fondé à gouverner par décrets, quand il y avait urgence d’appliquer des mesures financières nécessaires au fonctionnement même de l’administration, il était tenu à beaucoup plus de réserve, quand il s’agissait de modifier des lois politiques aussi importantes que celles qui étaient touchées par le décret du 22 juin.

Toutes ces objections avaient créé un état de profonde incertitude. Aussi, même après le 20 juillet, quand le gouvernement, trompant les dernières espérances de l’opposition, eut déclaré applicables les mesures figurant au décret, on estima que la question restait encore en suspens, et que le dernier mot devait être prononcé par les tribunaux. Les ennemis irréductibles du décret espéraient que la magistrature refuserait de l’appliquer, le considérant comme illégal et inconstitutionnel. Ils attendaient donc avec une vive impatience qu’un cas se présentât, mettant la jurisprudence en mesure de se prononcer. Ce cas ne s’est présenté que dans le courant du mois d’août, et l’issue en a été désastreuse pour les ennemis du gouvernement, lequel est sorti triomphant de cette première épreuve.

Il s’agissait, du reste, d’une affaire peu intéressante par elle-même. Un journal satirique de Lodi, la Zanzara, ayant été condamné par le tribunal correctionnel de Milan, en vertu des prescriptions du décret-loi, avait interjeté appel de ce jugement, en contestant la légalité du décret du 22 juin. La Cour d’appel de Milan confirma l’arrêt des premiers juges, en vertu de considérans qui forment une intéressante consultation sur la question tant controversée des décrets-lois.

Après avoir réfuté la première objection, celle qui consistait à dire que la clôture de la session avait fait disparaître le décret du 22 juin, la Cour passait à la seconde, la plus importante à son avis, comme à celui de presque tout le monde. Elle reconnaissait que les décrets-lois n’avaient été appliqués jusqu’alors qu’en matières financière et douanière. Mais était-ce une raison pour que cet usage fût considéré comme une règle absolue ? Elle ne le pensait pas. « … Et, si cela est en matière financière, était-il dit. dans les considérans du jugement, combien plus cela doit-il être