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Les noms de plusieurs artistes français de cette époque sont également cités dans les lettres de Peiresc, qui fait exécuter par M. de Chalettes, peintre du roi, « un tableau des comtes de Tholose dont il est comme ravy d’admiration. » Il entretient aussi des relations suivies avec un autre peintre de la Cour, Jacob Bunel, à qui il adresse le portraitiste Finsonius de Bruges, en le priant « de l’aimer et de l’honorer pour l’amour de lui. » Notre excellent dessinateur Daniel du Moustier est son ami, et il lui envoie fréquemment des cadeaux. Entre temps, il le prie de modérer un peu son extrême liberté de langage, qui pourrait lui attirer des ennuis, et il lui conseille aussi de ménager un peu plus ses forces, car, ainsi qu’il le mande à M. de Bonnaire à Rome, « depuis deux mois, du Moustier n’a quasi pas bougé du Louvre à pourtraire des reines, princesses et dames de la Cour, avec tant d’assiduité qu’il a failli mourir ces jours passés[1]. »

Peiresc goûtait fort aussi la musique, et dans ses entretiens ou sa correspondance avec le P. Mersenne, il se montre très préoccupé des rapports de cet art avec les mathématiques. Il cherche à se rendre compte de ce qu’était la musique des anciens, et il voudrait que les instrumens qu’ils employaient fussent exactement reproduits d’après tous les bas-reliefs où ils sont représentés. Quant à la musique moderne chez les différens peuples, notamment chez les Orientaux, il pense que la « seule diversité des esprits est capable de lui fournir des conceptions de concerts que la nouveauté nous fait paraître excellens. » Il l’a bien éprouvé lui-même, « en une chétive chanson qu’il fit mettre en tablature de musique sur le chant d’un forçat de galère. » Un jeune musicien fort habile ayant ensuite chanté cet air devant plusieurs personnes, « l’harmonie en sembla si délicate que tous en étaient ravis et que celuy même qui la chantait ne pouvait assez admirer l’excellence de certains accords et certaine cadence qu’il n’avait jamais ouïe. » Aussi Peiresc se propose-t-il de faire chercher et de recueillir quelques-unes de ces mélodies populaires en diverses contrées du Levant. Enfin le trait suivant nous fournit un témoignage significatif au sujet de la vivacité des impressions que lui causait la musique. Après une grave maladie qui le retint longtemps à Belgentier et qui avait débuté par une paralysie du côté droit et une aphonie complète, une chanson en vers sur les amours du lys et

  1. Lettre du 6 avril 1622.