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où on s’y attendait le moins. » « M. l’ambassadeur de Savoie, continue le Mercure, reçut de grands applaudissemens dans toutes les rues par lesquelles il passa. Il y avait une foule de peuple extraordinaire, sans compter les gens de qualité qui occupaient les fenêtres[1]. » Le maréchal de Noailles lui fit faire le tour de la Place Royale, comme c’était l’usage, et le conduisit ensuite à l’Hôtel des Ambassadeurs extraordinaires. Cet hôtel était affecté, comme son nom l’indique, à recevoir les ambassadeurs des puissances qui n’avaient point eh France de représentant ordinaire. C’était là en particulier qu’on logeait les envoyés des puissances musulmanes. Mais l’usage voulait en outre, quand le Roi n’était pas à Paris, que tout nouvel ambassadeur y fût conduit et y demeurât pendant trois jours et demi. Il était même nourri par les officiers du Roi, c’est-à-dire qu’un maître d’hôtel était chargé de l’approvisionner en viandes et légumes, tout en laissant le cuisinier de l’ambassadeur accommoder les plats au goût de son maître. Pendant ces trois jours et demi, un maître d’hôtel du Roi offrait également du café, du chocolat et du thé à tous ceux qui venaient rendre visite à l’ambassadeur.

Ferreiro passa donc trois jours et demi à l’Hôtel des Ambassadeurs extraordinaires, où un grand nombre de personnes vinrent le complimenter, les unes à titre privé, les autres officiellement, entre autres le duc de Beauvillier, au nom du duc de Bourgogne. Mais la cérémonie la plus importante et qui devait assurer définitivement à l’ambassadeur de Savoie le traitement de représentant d’une tête couronnée était l’audience publique à Versailles. Le 29 juillet suivant, le comte de Brionne vint chercher le marquis de Ferreiro pour l’y conduire. Brionne était un prince de la maison de Lorraine. Il avait été, l’année d’auparavant, désigné par Louis XIV pour aller recevoir la princesse Adélaïde à Pont-de-Beauvoisin. À cette occasion, il avait même soulevé un incident, en se refusant à donner de l’Altesse Royale au duc de Savoie dans l’acte de délivrance de la princesse. Louis XIV et Victor-Amédée avaient été également mécontens de ce refus. En le chargeant d’aller recevoir l’ambassadeur de Savoie, Louis XIV imposait à Brionne une sorte d’amende honorable, et Victor-Amédée ne pouvait recevoir une plus éclatante satisfaction. Brionne conduisit donc Ferreiro à Versailles, à l’audience publique où, dit le

  1. Mercure de France, juillet 1697.