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en face de lui, sinon un appui effectif et des alliés véritables, du moins des hommes prévenus en sa faveur, prêts à l’assister et à le ravitailler.

L’un des premiers actes du cabinet Méline fut donc de reprendre les pourparlers suspendus depuis plus d’une année. Dès le 3 juin 1896, une lettre officielle, du Président de la République à l’empereur Ménélik, adhéra dans leur ensemble aux conditions de mars 1895 : « Nous acceptons bien volontiers, disait cette lettre, les propositions que Votre Majesté nous a faites, basées sur l’indépendance de l’empire, la volonté de n’accepter aucun protectorat et le maintien des relations qui existent entre les deux pays. Voisins de l’Ethiopie par nos possessions, nous ne souhaitons qu’une étroite entente et le développement de nos relations d’amitié et de commerce ; aussi voyons-nous avec grande satisfaction que Votre Majesté a décidé de considérer Djibouti comme le débouché officiel de son empire[1]. » Et, dans une lettre plus détaillée qui accompagnait ce premier document, M. Lagarde, gouverneur de Djibouti, alors en France, énumérait quelques modifications de pure forme à introduire dans le texte du traité, en même temps qu’il marquait l’utilité de conférer à bref délai avec un représentant attitré de Ménélick pour le règlement de divers points accessoires, notamment pour la délimitation des frontières communes.

Il ne suffisait pas, en effet, d’avoir échangé des papiers : l’action personnelle est de grande importance dans toute négociation, mais surtout lorsqu’il s’agit d’Etats qui, pour la première fois, en quelque sorte, entrent sur la scène diplomatique. Aussi M. Lagarde se prépara-t-il à rejoindre son poste. Les informations parvenues de diverses sources au département des Colonies montraient que les choses marchaient en Abyssinie beaucoup plus vite qu’on ne l’eût auguré quelques semaines auparavant : le Saint-Siège patronnait auprès du négus une mission autrichienne, dont personne ne connaissait exactement les intentions ; des agens russes, dont il était très malaisé de déterminer exactement le caractère plus ou moins officiel, promettaient à Ménélik et le protectorat moscovite pour les pèlerins abyssins à Jérusalem et des facilités particulières pour ouvrir, à Raheïtah ou ailleurs, sur la Mer-Rouge, un port

  1. Sur ce dernier point, on sait qu’à la date du 26 octobre 1896, Ménélik concéda à un Français, M. Chefnenx, la concession d’une voie ferrée, aujourd’hui en construction, et qui doit relier Djibouti à Harrar.