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restée sans ravitaillement en vivres et en munitions, sans relève en hommes : or, d’une part, elle a reçu de M. Liotard un cinquième des approvisionnemens existant au Haut-Oubanghi ; de l’autre, toutes ses demandes officielles de matériel et de personnel parvenues au département des Colonies ont été servies dans le plus bref délai, c’est-à-dire que les fournitures partaient de France dans les trois ou quatre semaines de l’arrivée de la commande ; parfois même, — ce fut le cas notamment pour les moyens de navigation, lesquels n’étaient pas prévus au programme primitif et qui lui permirent d’activer sa marche en utilisant les voies fluviales, — parfois même les fournitures étaient expédiées spontanément par une administration vigilante. On a dit et répété, — l’insinuation, cela est triste, s’est produite en haut lieu, — on a dit et répété que le motif déterminant du rappel de M. Marchand de Fachoda avait été le complet dénûment où l’avait laissé la susdite incurie de certains ministres. Or, au milieu d’août 1898, à Fachoda même, M. Marchand disposait, pour ses 213 rationnaires, de deux mois de vivres européens, de quatre mois de vivres indigènes et de 28 000 cartouches ; peu de jours après, le Faidherbe lui apportait une quantité égale de vivres et 100 000 cartouches. La preuve en est aux dossiers du ministère.

Ainsi se dissipent les légendes accréditées par les passions de parti ou par la pusillanimité des hommes qui, ne voulant pas assumer pour eux-mêmes la responsabilité de la politique qu’ils jugeaient, en 1898, nécessaire aux intérêts du pays, ont tenté de faire peser sur leurs prédécesseurs le poids de l’échec final. Assailli par de perpétuelles rumeurs de massacre de la mission Marchand ; sachant contre quels obstacles naturels l’émissaire de la France avait à lutter dans ces régions mal connues ; attendant avec une impatience extrême l’annonce de son arrivée à Fachoda, que la baisse prématurée des eaux du Bahr-el-Ghazal empêcha seule de se réaliser dès l’automne de 1897[1], le cabinet Méline ne cessa pas un seul jour de prêter à M. Marchand tout le concours qu’il lui devait. Il se préoccupa même — et

  1. Le 23 août 1897, M. Marchand écrivait de Diabère une lettre dont le télégraphe du Congo transmit ainsi la substance à Paris : « Le Faidherbe est arrivé en bon état… Quand vous lirez ceci, il aura porté, à l’allure de 14 nœuds, le pavillon au Nil, là où il doit être porté. » Qui soutiendra que le problème de 1898 eût été le même, si M. Marchand Tût parvenu à Fachoda huit mois avant que le sirdar Kitchener n’occupât Khartoum ?