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pendant à la force éducatrice des congrégations enseignantes et pour y faire contrepoids. Que l’État enseigne donc sous le nom d’Université, soit. L’Université a été une des plus grandes institutions qui soient sorties de la puissante main de l’Empereur au début du siècle, et une de celles qui l’ont traversé avec le plus d’honneur. M. d’Haussonville, qui a été son élève, lui a rendu hommage comme M. Brunetière, avec une sympathie pleine de reconnaissance. Tout ce qu’on lui dispute, c’est le monopole que lui avait donné Napoléon, que la Restauration lui a maintenu parce qu’elle y voyait un instrument de règne, mais qui, attaqué dès ce moment, a perdu de sa force sous le gouvernement de Juillet, et a été finalement supprimé par deux républiques, en 1850 et en 1875. A la première de ces dates a été organisée la liberté de l’enseignement secondaire, et à la seconde la liberté de l’enseignement supérieur. Est-ce à dire que tout soit parfait dans ces deux lois, et surtout dans la première ? Non, certes, et M. Brunetière ne l’a pas dit. On a souvent qualifié la loi de 1850 de loi de réaction, comme si cette épithète suffisait à la condamner. Tout est action et réaction dans la nature et dans la vie : toute action n’est pas bonne par elle-même et toute réaction n’est pas mauvaise. Réagir contre un excès ou un abus est un bien. Il faut donc distinguer dans la loi de 1850.

En tant qu’elle a réagi contre le monopole universitaire, et qu’elle l’a détruit, elle a fait une chose excellente. Mais il est rare qu’on s’arrête du premier coup au point exact que la sagesse indique et où elle ramène, et, lorsqu’une action a été trop violente dans un sens, la réaction a les plus grandes chances de dépasser la mesure dans l’autre. Les hommes de 1850 n’étaient point exempts de passion. Beaucoup d’entre eux avaient lutté longtemps pour la conquête de la liberté d’enseigner, et, dans cette lutte, ils avaient rencontré ou cru rencontrer contre eux la résistance de l’Université. Il en était résulté contre elle des défiances injustes, et un esprit d’hostilité dont la discussion de la loi de 1850 porte la marque : la loi elle-même en a subi l’influence. Personne aujourd’hui, parmi les défenseurs de la liberté, à quelque parti politique qu’il se rattache, à quelque opinion religieuse qu’il appartienne, n’aurait la mauvaise inspiration de parler de l’Université comme on le faisait en 1850. On ne s’est pas contenté alors de proclamer et d’organiser la liberté ; on s’est efforcé d’affaiblir l’Université. On l’a un peu traitée comme un pays conquis, et administrée en vertu du droit de conquête. C’était un tort assurément, et de là les mauvais souvenirs que la loi de 1850 a laissés dans beaucoup