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ANNIBAL CARRACHE.

à épiloguer sur toutes choses. Élégant, beau parleur, Augustin se plaisait dans la société des courtisans. Annibal, au contraire, était simple dans ses goûts et ombrageux à l’égard des grands. Son art lui procurait des jouissances intimes qui lui suffisaient. Il explique les raisons de la brouille dans une lettre à son cousin. C’est, dit-il, « l’insupportable faconde d’Augustin qui, n’étant jamais satisfait de ce que je faisais, trouvant toujours un cheveu dans l’œuf, me cassait la tête, s’attaquait à tout, et, conduisant sans cesse sur le pont (l’échafaudage) nouvellistes et courtisans, me dérangeait et en arrivait à ne pas travailler et à empêcher les autres de travailler. » Cette explication porte tous les caractères de la franchise : elle mérite d’être acceptée. C’est, à n’en pas douter, parce que tous les torts étaient de son côté, qu’Augustin se résigna si docilement à s’éloigner et que le cardinal le laissa partir, tout en lui remettant des lettres de recommandation pour le duc de Parme.

Il est moins facile d’établir la part prise par d’autres artistes aux travaux de la galerie. Le Dominiquin aurait peint sur les dessins d’Annibal, à ce qu’assure Bellori, le tableau représentant la Jeune Fille et la Licorne. Les petits tableaux, au-dessus des niches, seraient également dus au pinceau de Zampieri ; soit ! Rien ne s’oppose non plus à ce que l’Albane et d’autres élèves de Carrache aient exécuté les ornemens purement décoratifs. Quant aux stucs des parois latérales, ils décèlent une main si maladroite qu’on doit, ce semble, en laisser la responsabilité aux simples manœuvres.

Restent les deux tableaux consacrés aux amours de Persée et d’Andromède. La tradition est formelle à leur égard ; ils auraient été conçus, dessines et peints par Annibal. La concordance des témoignages ne me paraît pas concluante. Plus je les examine et moins je constate d’affinités entre ces compositions et celles qui les environnent. J’ai déjà relevé une sorte de filiation illégitime, quoique indéniable, entre elles et l’œuvre de Cellini, exposée sous la Loggia de Lanzi. La figure d’Andromède, par exemple, dans le premier tableau, présente un dessin essentiellement arbitraire, un coloris blafard qui surprend. Les parens et les amis, sur le rivage voisin, expriment leur douleur d’une façon théâtrale, baroque. La scène qui se déroule dans le second tableau n’est pas dénuée de mérite, j’en conviens, mais combien peu elle se rattache aux autres fresques ! Dans cette salle qui ne laisse voir