Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
ANNIBAL CARRACHE.

étaient encore informes au moment où Odoardo parut dans la demeure de ses pères. Sur d’autres points encore, la décoration était demeurée imparfaite. L’urgence de travaux importans s’imposait donc à la sollicitude du cardinal : il ne se déroba pas à ces exigences. Les pièces exposées au Midi furent aménager pour l’usage et d’après les instructions du cardinal Odoardo, comme on peut s’en assurer en jetant les yeux sur l’écusson héraldique qui pare le plafond de l’une d’elles. Au-dessous des lys farnésiens surmontés du chapeau cardinalice, on lit ces deux mots qui équivalent à une signature : Duartes Farnesius. Bien dignes de retenir les regards, ces plafonds travaillés à l’instar de ceux qu’Antonio da S. Gallo, au témoignage de Vasari, avait imaginés. C’est sans contredit une des gloires du palais de Paul III que ces soffites en bois, soutenus et comme suspendus dans l’espace par d’énormes solives. Leurs compartimens monochromes, dont aucune dorure n’altère l’harmonie, gardent une sorte de noblesse altière au milieu des plus grandes profusions de la sculpture. Mais, bien que les plus modernes se rattachent à ceux qui leur ont servi de modèles par des liens intimes, un connaisseur ne saurait un instant les confondre. Si les artistes aux gages du cardinal Odoardo surent conserver à leurs ouvrages une ordonnance rationnelle, ils sont demeurés eux-mêmes, sous le rapport du style et de la composition, fort au-dessous du vieux maître florentin.

Restait une salle éclairée par trois fenêtres, exactement placée au-dessous de la loggia du second étage. Aucun document n’autorise à affirmer qu’elle ait été voûtée par Vignola ou par Giacomo della Porta, bien que l’hypothèse soit vraisemblable. Il se peut que ce travail ait été exécuté sous les yeux d’Odoardo et que ce dernier eût dès lors décidé de faire intervenir la peinture dans la décoration de la salle. Les fresques étaient depuis longtemps à la mode en Italie ; presque tous les palais romains en possédaient ; il est naturel que le jeune Farnèse ait songé à en introduire dans le sien. Ce qui témoigne en faveur de son bon goût c’est qu’il ne s’adressa ni à Federigo Zuccari, un des décorateurs de Caprarola, ni au cavalier d’Arpino, ni à aucun des peintres qui se trouvaient à Rome. Les Farnèse jetèrent les yeux sur un jeune Bolonais que le duc de Parme avait eu l’occasion de rencontrer dans la ville ordinaire de sa résidence et dont la réputation était parvenue jusqu’à Rome : j’ai nommé Annibal Carrache.

Il est presque superflu de rappeler que le siècle qui finissait