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à Ceylan. Il n’y a point, à la surface du globe, une île qui ait, comme celle-ci, attiré l’attention des savans de tous les pays et de tous les temps, sans qu’on puisse même excepter l’île qui la domine aujourd’hui, la Grande-Bretagne. Elle a été décrite par les écrivains de Rome et de la Grèce comme par ceux de l’Inde, de la Birmanie, de la Chine, de l’Arabie et de la Perse, et comme par les voyageurs européens depuis le moyen âge jusqu’à nos jours. Les Brahmanes la désignaient sous le nom de Lanka, « la resplendissante, » et en faisaient un paradis habité par des êtres d’une nature angélique ; les prêtres bouddhistes la comparaient à une perle posée sur le front de l’Inde ; les Chinois l’appelaient « l’île des joyaux, » les Grecs, « la terre de la jacinthe et du rubis ; » les Mahométans l’assignaient à nos premiers parens comme un nouvel Elysée destiné à les consoler de la perte du paradis, et les anciens navigateurs européens racontaient que les brises qui avaient passé sur l’île en apportaient au large les parfums[1].

Mais quoique Ceylan ait été connue de tout temps, l’intérieur de l’île demeura, pendant de longs siècles, enveloppé de mystère ; les conquérans portugais, et après eux les Hollandais, n’en occupèrent que le littoral, sans pouvoir forcer le rempart de montagnes derrière lequel s’étaient fortifiés les rois de Kandy. Ce ne fut que lors de la conquête de l’île par les Anglais, en 1815, que fut révélé le cœur du pays : ils introduisirent la culture du café dans la zone montagneuse, ils retrouvèrent les ruines merveilleuses ensevelies depuis deux mille ans dans les solitudes des jungles centrales.

Quelques années après l’occupation anglaise, sir James Emerson Tennent, nommé gouverneur de Ceylan en 1847, publia un ouvrage volumineux où, pour la première fois, l’île fit l’objet d’une description complète et méthodique embrassant les districts récemment conquis et révélés. Cet ouvrage est resté classique, et, quoique déjà ancien, survivra longtemps à une foule d’œuvres éphémères qui nous ont décrit, sous des titres à sensation, une Ceylan de fantaisie.

Ceylan m’a rappelé, en plus d’un point, Java, qui se trouve presque aussi voisine de l’équateur. Mais, si le climat est à peu près identique, il y a une différence profonde entre le sol des deux îles.

  1. Emerson Tennent, Ceylon, t. I, p. 3.