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duc d’Orléans se mit auprès d’elle et le cardinal prononça, avant de bénir le mariage, un discours qui justifiait, en cette grande journée, les vues inattendues de la Providence : « Vous êtes, Madame, d’une maison illustre par son ancienneté, par ses alliances et par les exploits éclatans, que les grands hommes qu’elle a donnés à la Pologne ont successivement remplis avec tant de gloire. Vous êtes fille d’un prince qui, dans les différens événemens d’une vie agitée, a toujours réuni en lui l’honnête homme, le héros et le chrétien… On voit en votre personne, Madame, tout ce qu’une naissance heureuse et une éducation admirable, soutenue par des exemples également forts et touchans, ont pu former de plus accompli… Armée de toutes ces vertus, à quelle couronne n’auriez-vous pas eu le droit d’aspirer, sans l’usage qui assujettit, en quelque façon, les rois à ne prendre qu’autour du trône les princesses qu’ils veulent faire régner avec eux ? Celui qui donne les empires met le sceptre de Pologne entre les mains du prince de qui vous tenez la vie et, par-là, en décorant le père, il conduit insensiblement la fille aux hautes destinées qu’il lui prépare. Mais, ô mon Dieu, que vos desseins sont impénétrables, et que les voies dont vous vous servez pour faire réussir les conseils de votre sagesse sont au-dessus de la prudence humaine ! A peine ce prince est-il sur le trône, où le choix des grands et l’amour des peuples l’avaient placé, qu’il se voit forcé de le quitter. Il est abandonné, trahi, persécuté ; un coup fatal lui enlève un héros son ami et le principal fondement de ses espérances. Il cède au temps et aux circonstances, sans que son courage soit ébranlé ; il cherche un asile dans la patrie commune des rois infortunés. Il vient en France ; vous l’y suivez, Madame. Tout ce qui vous y voit, sensible à vos malheurs, admire votre vertu ; l’odeur s’en répand jusqu’au trône d’un jeune monarque qui, par l’éclat de sa couronne, par l’étendue de sa puissance, et plus encore par les charmes de sa personne, pouvait choisir entre toutes les princesses du monde, guidé par de sages conseils, il fixa son choix sur vous, et c’est ici que le doigt de Dieu se manifeste : il se sert du malheur même qui sépare le roi votre père de ses sujets et qui vous enlève à la Pologne, pour vous donner à la France et pour nous donner en vous une Reine qui sera la gloire d’un père et d’une mère dont elle fait la consolation et les délices. »

Cette éloquence ecclésiastique, où se montrait l’affection de l’évêque de Strasbourg pour ses amis, n’était pas uniquement