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parlement anglais vient de se réunir, et tout le monde est d’accord, du moins dans l’Europe continentale, pour reconnaître qu’il ne s’est pas montré à la hauteur des circonstances difficiles où se trouve le pays. Ce n’est pas qu’on blâme la conclusion qui a été donnée à la discussion de l’adresse. Un amendement avait été présenté par l’opposition, il a été repoussé à une très grande majorité, et par conséquent, le ministère a été maintenu. A cela il n’y a rien à dire ; on est plutôt tenté d’admirer l’imperturbable impassibilité avec laquelle les Anglais supportent les coups de la fortune, et à leur rendre pleine justice à cet égard. Mais, à parler en toute franchise, ce qui a frappé dans les débats du parlement, c’est leur défaut d’ampleur, leur décousu, leur terre à terre, et leur insignifiance relative. Le parlement britannique a retenti autrefois de tout autres accens ! Nous savons bien que la grande éloquence se perd un peu partout ; et peut-être ne faut-il la regretter que médiocrement dans son application aux affaires publiques. Les Anglais ont inventé eux-mêmes le genre tempéré, qui s’y adapte beaucoup mieux. Mais dans ce genre même, un discours bien ordonné, procédant suivant une logique forte et serrée, nourri de faits et plein d’argumens, frappe l’esprit comme une construction imposante et solide frappe les yeux, et il en est de tels qu’on peut compter parmi les chefs-d’œuvre. On en chercherait vainement de ce modèle parmi ceux qui viennent d’être prononcés à la Chambre des lords et à la Chambre des communes. C’est à peine si, à la fin de ce long débat, un duel oratoire digne d’attirer quelque attention s’est engagé entre sir William Harcourt et M. Chamberlain. Le reste mérite à peine d’être mentionné, sans en excepter le discours de lord Salisbury à la Chambre haute. Ce discours a même été un des plus vides qu’on ait entendus. Lord Salisbury n’était évidemment pas dans ses bons jours. Sans doute il était gêné par la cause qu’il avait à défendre : il devait prouver, et cela était difficile, qu’aucun reproche grave ne pouvait être adressé au gouvernement, soit dans les négociations diplomatiques avant la guerre, soit dans la préparation et dans la direction de celle-ci. Il s’est contenté de dire que le ministère ne disposait pas de fonds secrets en quantité suffisante pour se procurer des renseignemens complets sur les armemens des Boers. Une pareille excuse est inadmissible. Si le ministère n’avait pas assez de fonds secrets, il devait en demander davantage, et ce n’est que dans le cas où on les lui aurait refusés qu’il pourrait décliner la responsabilité des événemens ultérieurs. Le premier ministre de la Reine a encore accusé la constitution du royaume, admirable, a-t-il dit, en temps de paix, mais