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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 février.


La situation parlementaire et ministérielle présente en ce moment une grande confusion. Le ministère va sans cesse en s’affaiblissant, et chacun annonce sa fin prochaine, ce qui n’empêche pas que, toutes les fois que la Chambre est mise en demeure de décider de son sort, elle lui donne la majorité. Il en était d’ailleurs de même du ministère précédent, celui de M. Dupuy : la veille de sa chute, il avait une majorité formidable ; le lendemain il s’effondrait. En sera-t-il de même du cabinet actuel ? Faut-il s’attendre à le voir disparaître tout d’un coup ? Beaucoup de gens le désirent. On est prodigieusement las de lui, et à la lassitude se joint une inquiétude qui devient de plus en plus vive. De cela tout le monde convient ; mais personne n’ose se mettre en avant pour renverser un cabinet qu’on déteste, parce que personne n’a rien fait pour inspirer confiance et pour mériter d’être suivi. Le sentiment secret de son impuissance paralyse chacun de nos hommes politiques, et le ministère en profite pour durer. Il est possible qu’il dure quelques semaines ou même quelques mois encore, non pas sans doute d’une de ces vies pleines et fécondes qui permettent à un gouvernement d’accomplir une œuvre véritable, mais d’une de ces vies étiolées dont on dit vulgairement qu’elles ne tiennent qu’à un fil : seulement le fil peut rester longtemps sans casser.

Chose admirable, et qui montre bien à quel abaissement est tombé chez nous le gouvernement parlementaire, aucun des hommes qui le représentent ou qui l’ont représenté avec le plus d’éclat n’a le courage de prendre un parti résolu. Chacun attend que le voisin commence, tout prêt d’ailleurs à seconder son action, mais avec cette particularité qu’il y mettra d’autant plus de vaillance et de confiance que le signal viendra plus de la gauche. Si on considère la géographie de la Chambre, en partant de la droite, on arrive à la constatation suivante : la droite est toute prête à manifester contre le ministère, mais elle ne le peut pas. Nul ne suivrait le signal qu’elle donnerait, et la majorité