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proportionnalité des abaissemens de congélation aux concentrations se vérifie ici fort exactement.

Ces détails font comprendre, entre autres choses, que la formation des glaces soit la plus tardive dans celles des eaux marines dont la salinité est la plus forte. La Baltique est une mer qui se dessale de plus en plus ; son eau est presque douce : c’est aussi l’une des premières, qui soient prises par les glaces. Il suffit que, dans une crique tranquille, la température s’abaisse de 2 à 3 dixièmes au-dessous de zéro pour que la glace apparaisse. L’eau de l’océan Atlantique contient neuf à dix fois plus de sel : à l’abri de l’agitation, elle ne se prend en glace que lorsque sa température tombe à près de 2° au-dessous de zéro.


La loi de Blagden a donné lieu à bien des discussions. Quelques physiciens ont été frappés des nombreux démentis qu’elle reçoit de l’expérience. Rüdorf, en 1864, a constaté qu’elle était décidément inexacte pour les solutions concentrées, riches en sels. Ce n’est que pour les solutions pauvres, très étendues, comme celles dont nous venons de parler, qu’il peut être question de proportionnalité entre l’abaissement cryoscopique et la conrontration. Et, même dans ce cas, des expérimentateurs rigoureux, comme M. Ponsot, n’admettent son exactitude qu’entre des limites fort restreintes. Au contraire, les théoriciens de la physico-chimie nouvelle considèrent la loi de Blagden comme fondamentale. À leurs yeux, c’est une sorte de postulat. Ils expliquent les démentis de l’expérience ; ils trouvent des causes à tous les écarts, et non pas de ces causes particulières à chaque cas qui discréditent bientôt une doctrine, mais une cause unique, générais, plausible, qui la corrobore. Cette cause, comme nous le verrons plus loin, c’est l’état de dissociation ou, tout au contraire, de condensation du corps dissous.


On s’est demandé quelle était la composition du corps solide, transparent, qui est le produit de la congélation. C’est de la glace pure.

On le sait aujourd’hui. Mais cette notion n’a pas été établie sans peine, au moins dans le cas des solutions concentrées. Un savant distingué, Dufour, croyait encore, en 1860, que le solide, qui se produisait ainsi par l’action du froid, était, comme le liquide originel, un mélange d’eau congelée et du corps inclus. Un autre physicien, Guthrie, en 1875, y voyait un composé des deux corps, un cryohydrate, c’est-à-dire une combinaison de toute la glace, avec une petite proportion du