comme l’a été sa construction, une œuvre héroïque ; et sur la côte bretonne ce n’est pas le seul qui ait présenté, qui présente toujours la même difficulté d’exécution et dont la marche continue exige les mêmes sacrifices et les mêmes dévouemens. On ne saura jamais les immenses services qu’ils ont déjà rendus et qu’ils continuent à rendre dans les jours de brume et dans les nuits de tempête, le nombre de cœurs qu’ils ont rassurés, de vies qu’ils ont sauvées. Ce sont réellement des monumens sacrés et lorsque aucune clarté ne paraît au ciel, le marin perdu qui aperçoit tout à coup l’éclat sauveur sent qu’il a retrouvé son étoile. C’en est bien une en effet, et on l’a très bien appelée l’étoile de la Fraternité.
La chaussée d’Ouessant qui peut être considérée comme le prolongement sous-marin de la pointe Saint-Mathieu présente exactement les mêmes caractères que celle de Sein. « Qui voit Ouessant voit son sang, » dit un vieux dicton de marin. Les Bretons l’appellent l’Henez-Herssen, l’île de l’Epouvante, et elle mérite bien son nom. La chaussée d’Ouessant forme une saillie en mer de plus de 25 kilomètres. On peut la considérer comme l’extrémité occidentale de la côte de France, la vraie « fin des terres » ; et c’est ainsi qu’on désigne le département dont elle est l’écueil avancé. Tous les navires venant de l’Atlantique qui s’approchent des parages de Nantes ou de Brest doivent s’en méfier pour peu qu’ils dérivent. Ils sont quelquefois conduits à la traverser ou à la doubler, et c’est toujours une opération délicate. Les abords de la chaussée d’Ouessant sont en effet bordés d’écueils, et tous les passages balayés par des courans d’une extrême violence. L’archipel se compose d’une vingtaine d’îles au moins dont les principales sont Béniguet, Quéménec, Triélen, Molène, Balanec, Bannec et Ouessant, entourées toutes d’un très grand nombre d’îlots, de rochers et d’écueils, pointes émergentes d’un long plateau de granit sous-marin de 5 milles au moins de largeur, de 15 milles de longueur, et dont la direction générale va du Sud-Est au Nord-Ouest. La plus considérable de beaucoup est l’île extrême, Ouessant, l’Uxantis de l’Itinéraire maritime, l’Œxantus ou l’Uxisama de Pline et de Strabon[1]. Les Celtes l’ont appelée plus tard Heussa ou Ushan qui rappellerait un peu, d’après quelques traditions confuses admises par les archéologues, une des quatre grandes divinités du culte druidique de Heuz ou Eus. Ce
- ↑ Uxantis. Sina. Itin. marit. Parthey et Pinder, 509, 3. Οὐξισάμην (Ouxisamên) ou Οὐϰεξισάμην (Oukexisamên). Strab., l. IV, 5. Infra vero Sambis et Axanthos. Plin., IV, XXX (XVI), 2.