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L’Océan entoure la Bretagne de trois côtés, au Nord, à l’Ouest, au Sud ; et depuis l’origine de notre dernière époque géologique, les vagues n’ont cessé de l’entamer. Les fleuves modestes qui la traversent, la Vilaine, l’Aulne, le Blavet, la Claie, la Rance, ne charrient, si on les compare à la Gironde, à la Loire ou à la Seine, que des quantités insignifiantes de sable et de vase, que les vagues et les courans dispersent presque aussitôt. La terre ne saurait donc : gagner sur la mer comme on le voit un peu partout et surtout à l’embouchure de ces grands fleuves qu’on a si bien appelés des « fleuves travailleurs, » et qui bâtissent en effet, à l’extrémité de leur cours, de véritables seuils sous-marins, qu’ils nourrissent sans cesse et qui, un jour ou l’autre, doivent fatalement être reliés au continent. La mer bretonne au contraire démolit tous les jours les falaises de sa côte. Les plus puissantes murailles de granit elles-mêmes ne résistent pas aux terribles coups de bélier des vagues dont l’action destructive est encore augmentée par les débris de toute nature qu’elles leur ont arrachés pour les transformer en blocs et galets qui deviennent de véritables projectiles. Le sable lui-même, qui est le dernier degré de l’usure de ces roches, contribue à leur désagrégation ; incessamment roulé par les flots à la base des falaises, il les frotte, les sape, les lime, les troue, y creuse des voûtes, des grottes, des abîmes et provoque leur écroulement. La roche la plus dure fournit ainsi elle-même les matériaux et les outils qui travaillent sans relâche à sa ruine, et l’on voit, au pied de tous les escarpemens, des milliers de blocs effondrés dont le volume dépasse quelquefois plusieurs centaines de mètres cubes.

Mais le sol n’a pas été seulement érodé ; il s’est presque partout affaissé et des preuves incontestables de cet affaissement existent en plusieurs endroits de la côte : au Mont Saint-Michel, à Dol, dans la baie de Saint-Malo, aux promontoires avancés de la rade de Brest, à la pointe du Raz, et surtout dans le Morbihan, petite mer intérieure qui ne date pour ainsi dire que d’hier[1]. D’une manière générale, les milliers d’îles, d’îlots et d’écueils échelonnés le long de la côte et que l’on voit quelquefois émerger et se couvrir d’écume à marée basse ne sont que les ruines disséminées de l’ancien continent extrêmement réduit et lui ont autrefois appartenu. De distance en distance, entre les

  1. J. Girard, les Soulèvemens et les dépressions du sol sur les côtes de France op., cit.