Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/812

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une question de bonne répartition des richesses et de justice en faveur des classes ouvrières. »

Le législateur allemand a surtout, dans ce qu’on appelle « la trilogie » des lois de protection, cherché une solution ou un remède au paupérisme. Plus tard, inquiet de la décadence de la petite industrie et de la disparition rapide des classes moyennes, condamnées par les progrès de la grande industrie à retomber dans la catégorie des travailleurs salariés, il a cherché à reconstituer dans une pensée de protection l’ancienne organisation professionnelle. La loi du 26 juillet 1897, dont M. Victor Brants a fait récemment une analyse très complète, et qui a été promulguée en vue de sauver le Handwerkstand (la petite industrie) et de consolider le Mittelstand, c’est-à-dire les classes moyennes, assigne à la corporation un rôle complexe. Elle doit protéger les faibles, mettre de l’ordre dans la vie économique, et prévenir les excès de la liberté individuelle et ceux de l’intervention de l’État en créant un organisme intermédiaire complet.

A cet effet, la loi allemande ne craint pas d’aller jusqu’à la corporation obligatoire. Pour la petite industrie, elle consacre : 1° une réforme de l’apprentissage ; 2° l’introduction de la preuve de capacité ; 3° l’organisation de la profession sous la forme de la corporation légale et privilégiée, disons le mot : obligatoire, car la loi actuelle est une sorte de compromis entre les systèmes opposés de la liberté et de l’obligation. C’est une réaction absolue contre la Gewerbe-Ordnung de 1869, qui avait proclamé la liberté industrielle et un pas de plus fait dans la voie ouverte par les lois du 18 juillet 1881, de 1884, de 1886, de 1887 et de 1890.

Le groupement professionnel se produit en Allemagne sous deux formes : celle de la corporation (Innung) ; celle de l’union (Verein). « La corporation, c’est l’ancienne organisation du métier, moins le monopole ; elle a pour but l’entretien de l’esprit de corps, de l’honneur professionnel, le soin des intérêts communs d’ordre moral et matériel, surtout ceux de l’apprentissage, l’établissement des bons rapports entre patrons et ouvriers, le règlement de leurs différends, l’établissement d’institutions favorables au bien du métier, caisses, tribunaux arbitraux, écoles, bourses du travail… L’autre forme de groupement porte le nom de Gewerkvereine. Ces associations ne sont pas catégorisées par industrie spéciale. Elles reposent sur le principe de la défense des intérêts par le Self help. Elles procèdent d’une autre idée que