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LE MOUVEMENT CORPORATIF
EN EUROPE

Le XVIIIe siècle a été un siècle de négation et de destruction ; le siècle qui s’achève aura été, au contraire, un siècle de lente reconstruction et de réorganisation sociale. La Révolution avait entrepris de détruire les deux bases de l’ancienne société, la tradition et l’autorité, et la science moderne, dans l’orgueil de ses incomparables progrès, avait cru pouvoir fournir de nouvelles formules pour la solution de tous les grands problèmes religieux, politiques et économiques. L’illusion n’a pas été longue, et, à la suite d’une sanglante expérience, nos prédécesseurs ont dû reconnaître la nécessité du principe d’autorité. Un homme de génie, qui parut incarner en lui l’esprit des temps nouveaux, tenta de réorganiser la société en dehors de la tradition. La France épuisée s’abandonna à sa domination, heureuse d’échapper à l’anarchie sanglante où elle avait failli périr, et se consola de la perte de ses libertés en voyant l’ordre rétabli et ses aigles victorieuses parcourir la terre, semant partout après elles les principes de la Révolution.

A son exemple, les souverains cherchèrent à accroître leur autorité par la destruction des libertés locales et des franchises traditionnelles et par la création d’une bureaucratie fortement centralisée, sans comprendre qu’ils se faisaient ainsi les complices de la tyrannie jacobine. Des catastrophes éclatantes ont démontré le néant de ces tentatives, et ce siècle, qui débuta par le doute et par la révolte, aura peu à peu assisté à la réhabilitation des principes que ses devanciers avaient attaqués et méconnus. Dans l’ordre religieux il est impossible de n’être pas frappé du double