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Nos rivaux n’ont pas eu la satisfaction de voir débarquer les excellens obus en fonte à la mélinite, qui les inquiètent singulièrement. On lit, en effet, dans l’Engineer du 24 décembre 1897, au sujet de l’emploi des obus à explosifs puissans à bord des bâtimens de guerre : « Le vieux ponton Résistance a été démoli après avoir servi de cible. L’inutilité des cuirassemens légers contre l’attaque par les obus de rupture, même de petits calibres, a été démontrée. D’autre part, les dégâts produits à l’intérieur de ce navire par l’explosion des projectiles chargés en lyddite (le point où a lieu chaque explosion étant indiqué par de fortes éclaboussures de matières jaunes) donnent une idée de ce que deviendront, dans un combat naval, les superstructures des bâtimens.

« La lyddite (acide picrique fondu) présente toute sécurité comme fabrication, transport, emploi et conservation ; elle n’a pas besoin, comme le fulmi-coton humide, d’être amorcée avec le fulminate de mercure, toujours dangereux. Une fusée ordinaire ne suffit pas pour en provoquer la détonation ; elle nécessite l’emploi de quelques onces d’un explosif spécial placé dans un trou foré dans la lyddite fondue. La composition de ce détonateur est secrète, mais il est à présumer qu’on utilise à cet effet la propriété de certains oxydes métalliques, de former avec l’acide picrique des composés détonans. A la suite d’explosions prématurées de lyddite, dues à des défauts dans le métal des projectiles, on a été conduit à employer pour les projectiles à explosifs de l’acier forgé de la meilleure qualité[1]. »

«  Il faut maintenant admettre, malgré la répugnance de certains officiers de marine à les employer à bord, que les obus à explosifs sont destinés à un emploi de plus en plus général. Certains gouvernemens étrangers ont été plus loin que nous dans cette voie. Une puissance européenne[2], au moins, a déjà en service des obus à la mélinite dans les soutes de ses bâtimens. Nous devons donc nous attendre, dans la prochaine guerre navale, à une attaque de ces projectiles, non seulement de la part des batteries de côte, mais de la part des canons de bord. Or, dans la marine anglaise, nous avons les cuirassés du type Majestic qui, à part les parties recouvertes par la cuirasse harveyée, seraient des cibles à

  1. Pour qui connaît la question, les Anglais, à cette époque, avaient mal copié nos détonateurs et notre mélinite, et tout ce qui précède indique leur ignorance sur des points importans.
  2. C’est de la France que veut parler l’écrivain de l’Engineer, Seule, en effet, à cette époque, la marine française était dans ce cas.