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prévu contre l’emploi des grands explosifs. Il s’était fait l’écho de bavardages pariés ou écrits. Vous avez bien voulu le prier de venir auprès de moi pour s’instruire et me faire connaître les faits sur lesquels il appuyait des affirmations dangereuses à tous les points de vue et, on peut le dire, déplacées. Très gentiment, il s’est excusé de son ignorance, de la témérité avec laquelle il était allé chercher hors du ministère de la Marine, dans des livres de réclame indiscrets, des documens sur des matières confidentielles très délicates et très difficiles. Je lui ai montré, comme à vous, une image parlante ; il a vu que, sur un cinquième de leur longueur à l’avant et à l’arrière, tous les navires anglais construits depuis quelques années, protégés dans leurs œuvres vives par de simples tôles, constituent des cibles à souhait pour nos obus à la mélinite qui, éclatant à l’extérieur, feraient dans ces murailles à très faible résistance, non pas des trous ronds ayant à peu près leur diamètre, mais d’énormes brèches par lesquelles, surtout à l’avant, le navire buvant la mer, si je puis m’exprimer ainsi, ne tarderait pas à perdre sa stabilité de combat.

LE MINISTRE. — Mais, Général, il y a des cloisons sur ces navires et l’envahissement de l’eau serait par suite très restreint.

LE GENERAL DIRECTEUR. — Permettez, Monsieur le Ministre ; des essais répétés montrent que nos obus à la mélinite, qui ont la grande qualité d’éclater sur les murailles à faible résistance, lanceraient, en explosant, par la brèche ouverte, des gaz et des éclats de fonte et de tôle, animés d’énormes vitesses et capables de défoncer tous les cloisonnemens.

LE MINISTRE. — C’est bien, Général ; je m’en rapporte à vous. Mais nos navires n’ont pas de vitesse, et puis nous n’avons pas assez de croiseurs ; nos torpilleurs sont insuffisans et en mauvais état ; nos batteries décote ne sont pas assez puissamment armées ; il n’y a pas assez de personnel pour les servir, etc., etc.

LE GENERAL DIRECTEUR. — Monsieur le Ministre, j’ai lu toutes les publications spéciales qui traitent de la marine anglaise, et je vous dis, moi, sans hésiter, sans redouter la moindre contradiction appuyée sur des faits, qu’à tous les points de vue, nos navires sont en mesure de lutter avec succès contre ceux de l’Angleterre, non seulement à nombre égal, mais à trois contre cinq. Quant à nos côtes, elles sont surabondamment défendues par leurs batteries, par les torpilleurs et les torpilles fixes, contre des dangers qui n’intéressent d’ailleurs, en aucune façon, la sécurité