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II

Ganges compte plus de 4 000 habitans. Qu’on se figure une petite ville assez propre, assez gaie, disposée, à 150 mètres d’altitude, au centre d’un immense cirque, sans débouché apparent, constitué de montagnes calcaires grisâtres, mouchetées de vert par des massifs clairsemés d’yeuses et de kermès.

D’un côté de la ville, l’Hérault, qui vient de quitter l’arrondissement du Vigan (Gard) pour arroser le département qui porte son nom, écoule, dans un lit très large, ses eaux limpides et poissonneuses, au régime inconstant. De l’autre côté, se creuse le thalweg, non moins large, du torrent de Sumène, toujours desséché, sauf en hiver ou à la suite d’abondans orages. Quelques maisons isolées ou petits hameaux s’accrochent aux flancs des montagnes. Le fond de la cuvette est planté de vignes et mûriers, dont la riche tonalité de verdure contraste avec la teinte grisâtre de nombreux oliviers épars. Des prairies irriguées, mais de peu d’étendue, bordent l’Hérault.

A Ganges, les vignes sont nombreuses et prospères, comme il convient à une localité voisine de la zone de grande production du vin. Toutefois l’œil d’un propriétaire du « bas pays » reconnaîtrait immédiatement, en dehors d’un ou deux grands domaines, les imperfections de la culture. On sent que le précieux arbuste n’est plus le facteur unique, exclusif, de l’aisance du pays. C’est aux portes de Ganges qu’a été reconnu, il y a quelques années, un foyer de black-rot, éteint aujourd’hui, dont la menace a fort inquiété les viticulteurs du bas Languedoc, qui espéraient auparavant n’avoir rien à redouter d’un fléau pareil, vu le climat de la région. Aussi plus d’un professeur départemental du Midi, plus d’un agronome, a-t-il accompli le pèlerinage de Ganges. Espérons que la question, toute curieuse qu’elle puisse être pour un ampélographe, perdra tout intérêt dans l’avenir.

Ganges possède un chemin de fer depuis longues années, et communique sans difficulté avec Saint-Hippolyte, le Vigan, Alais et même Nîmes. Par une singulière anomalie, les rapports les moins directs sont ceux vers Montpellier, chef-lieu administratif[1].

  1. Ganges a demandé, en 1814, d’être séparée de l’Hérault pour être rattachée au Gard, avec transfert à son profit de la sous-préfecture du Vigan. Avant la Révolution, Ganges faisait du reste déjà partie du diocèse de Montpellier.