Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/694

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suite des idées de Rousseau, les dames de la cour de Louis XVI savaient mieux danser que marcher. Relisons certains épisodes des abominables crimes de Septembre : certes, l’infortunée princesse de Lamballe, par exemple, aurait échappé aux massacreurs si elle avait joui de l’aisance d’allure des femmes de la haute société d’aujourd’hui.

Ce n’est pas le cas d’expliquer ici, ni comment se tricotent les mailles successives, ni comment se pratiquent « augmentations » et « diminutions, » ni de discuter l’époque de l’apparition de la soie tricotée. Les premiers métiers à bas, qui permettent de substituer le travail de la machine à celui des doigts de l’ouvrier, datent du XVIIe siècle et fonctionnent en Angleterre. Une légende veut que l’inventeur soit un Français, un Ras-Normand qui, découragé par l’opposition acharnée des syndics bonnetiers, meurt ruiné, après avoir vendu son invention à vil prix. L’acquéreur, — un Anglais, — porte la découverte dans son pays, où il est bien accueilli et largement récompensé par ses compatriotes. Plus tard, un autre Français, — un Nîmois celui-là, — frappé des avantages de la machine qu’il voit fonctionner chez les Anglais, et ne pouvant, à cause de la sévérité des lois britanniques, ni transporter un métier en France, ni même emporter un dessin de l’appareil (tentative qui était punie de mort), se contente d’en étudier le mécanisme avec tant de soin que, de retour à Paris, il arrive à reconstituer de mémoire et exécute une machine pareille. Quand on apprend que le métier à bas, autrefois comme aujourd’hui, comportait de deux à trois mille pièces, on demeure confondu devant l’ingéniosité des deux ouvriers dont nous venons de parler, et on se trouve fort embarrassé pour décerner la palme du mérite, soit à l’infortuné Normand, soit à l’heureux Languedocien.

Par lettres patentes de 1664, 1666, 1683, le roi Louis XIV accorde à divers concessionnaires le privilège de fabriquer, tant à. Paris qu’en diverses villes du royaume, expressément désignées, non seulement des bas au métier, mais des canons, caleçons et camisoles, sans jamais ouvrer d’autres textiles que la soie. Les règlements et statuts datent de 1672. Quelques années plus tard, un arrêt du Conseil de 1684 autorise les maîtres faiseurs de bas à employer aussi la laine ou le fil fin comme matières premières, mais à la condition que le patron occupe en ouvrages de soie la moitié au moins des métiers qu’il possède et emploie. La sanction de ces défenses est sévère : tout fabricant convaincu d’avoir employé du