Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/681

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

instantané. En 1880, le tonnage des navires à l’entrée et à la sortie ne dépassait pas 30 000 tonnes, et le mouvement des marchandises n’est plus aujourd’hui que de 10 000 tonnes à peine, dont plus des deux tiers à l’importation, moins d’un tiers à la sortie. Les anciens chantiers de construction et de réparation de Paimbœuf avaient fait de cette dernière escale de la rive gauche de la Loire maritime une petite ville très vivante. Sous le premier Empire on y construisait même des frégates, et, dans la période de 1830 à 1860, un assez grand nombre de trois-mâts voiliers. Ces chantiers ont été à peu près délaissés, et ne mettent en œuvre aujourd’hui que de très petites embarcations. La population a diminué de plus de moitié, presque des deux tiers. Rues silencieuses, maisons délabrées, magasins vides, quais déserts. C’est une ville à demi morte, qui ne se réveille que par intermittence, au passage des bateaux à vapeur reliant Nantes à Saint-Nazaire. Mais, en vérité, rien ne s’opposerait absolument à ce que la vieille « Tête-de-Bœuf » redevienne la tête de ligne de la navigation de la Loire ; et ses installations, qui rappellent son ancienne fortune, pourraient presque sans frais et modifications lui permettre d’être un port très commode pour le débarquement des charbons anglais qui alimentent toutes les usines de la rive gauche, et pour l’embarquement des produits agricoles de toute la région maritime. C’est par-là peut-être que Paimbœuf pourra échapper à une ruine complète, et retrouver, sinon la prospérité des jours passés, du moins un peu de mouvement et le salut.

VI

Il y a quarante ans à peine que Saint-Nazaire, simple station de pilotes et de pêcheurs, est devenu tout d’un coup un grand port en relations suivies avec le nouveau monde. L’ancien petit bourg maritime avait un blason « de gueules à la galère d’argent portant une clef de sable sur une grande voile, au chef d’hermine cousu d’une autre clef en bande » et arborait en devise : Aperit et nemo claudit. Ce sont toujours les armes et la devise de Saint-Nazaire, et elles sont réellement parlantes. Elles semblaient n’être qu’une ambition ou une espérance ; elles sont aujourd’hui l’image et la traduction d’un fait accompli. Le modeste havre de pêcheurs du commencement du siècle est devenu la véritable clef de la Loire, et a tout à fait détrôné Paimbœuf. C’est peut-être le port