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vers le Ve siècle avant notre ère, les rives de la baie de Penhouët étaient habitées par une population assez dense de marins dont on a retrouvé de nombreux débris, et notamment ces curieuses pierres de mouillage qui étaient pour leurs navires les équivalens de nos ancres modernes ; qu’une sorte de colonie gallo-romaine paraît avoir habité la même anse pendant les premiers siècles de notre ère ; que ce n’est que vers le IXe siècle que le Brivet, après avoir comblé une partie de son estuaire, s’est barré ainsi lui-même, et que son cours s’est alors dévié à 2 kilomètres en amont et est devenu l’étier de Méan[1].

C’est donc dans le fond de la baie de Penhouët, transformée depuis peu par les ingénieurs en grand bassin à flot pour les Transatlantiques, au pied même d’un dolmen toujours en place qui remonte aux premiers âges de l’époque gallo-romaine, qu’il paraît le plus rationnel de rétablir le Portus Brivates, tandis qu’il faut placer dans le goulet occupé aujourd’hui par les marais du Grand-Traict et du Petit-Traict, qui séparaient autrefois l’île ou la presqu’île de Guérande de l’archipel vénétique où se trouvait l’île ou les îles des femmes, le vieux port de Corbilon, transformé depuis en Veneda. Tous ces ports, d’ailleurs, ont disparu sous la vase et les atterrissemens.

En résumé, il résulte de tout ce qui précède que la vieille Loire, comme la vieille Gironde, ne se jetait pas autrefois à la mer par une branche unique. Un bras de la Gironde, nous l’avons vu, se détachait de sa rive gauche et séparait du continent la grande île d’Antros, qui s’est appelée ensuite l’île du Médoc, et dont le rocher de Cordouan était le promontoire avancé. Une dérivation de la Loire sur la rive droite séparait de même, à partir de la pointe de Chemoulin, l’archipel des îles vénétiques, suivait le détroit du Grand-Traict et du Petit-Traict, et isolait en mer les îles de Saille, de Batz et du Croisic. Très certainement aussi la mer intérieure de la Grande-Brière communiquait alors directement avec le grand Océan par la fosse navigable de Saint-Lyphard. La Loire était donc, comme la Gironde dans les temps anciens, une sorte de fleuve à delta.

  1. René Kerviler, L’Age de Bronze et les Gallo-Romains à Saint-Nazaire-sur-Loire (Rev. Archéol., 1877).