qui permet même aux Transatlantiques de s’y engager. Mais on n’estime pas à moins de 400 000 mètres cubes environ le volume des sables qui passent annuellement sous les ponts de Nantes et qui proviennent de la désagrégation du plateau central que traverse la Loire supérieure et de l’érosion de ses berges et de celles de son plus fort affluent, l’Allier. Ces sables tendent à se déposer sans doute dans la Loire maritime et remblayent sans cesse ses bas-fonds ; mais une assez notable partie chemine toujours vers l’Océan. La houle et la mer soulevées par les vents du large attaquent aussi les fonds et les rives de la pointe de Chemoulin ; et les produits de cette corrosion, rejetés vers l’embouchure de la Loire, se déposent forcément à la rencontre du flot de marée et des eaux de jusant. La barre a donc toujours une tendance à s’exhausser.
Le remède le plus radical serait à la vérité de consolider les talus et les rives du fleuve supérieure ! de ses affluens et de prévenir ainsi, d’une manière complète, toutes les érosions. Des reboisemens et des gazonnemens exécutés dans les hautes vallées permettraient à la longue d’obtenir ce résultat. Ce serait une solution idéale sans doute, économique peut-être, mais malheureusement très lente pour ne pas dire séculaire ; et elle ne saurait donner une satisfaction sérieuse au commerce, qui exige impérieusement qu’on lui assure, à bref délai, le passage de ses Transatlantiques, qui ne veut et ne peut attendre, parce que pour lui surtout le temps est de l’argent. On s’est donc contenté de creuser à travers la Barre des Charpentiers, au moyen de ces fortes dragues aspiratrices qu’on appelle des « suceuses, » parce qu’elles pompent la vase et la boue aussi facilement que de l’eau, un chenal d’une profondeur suffisante.
Les tempêtes du large et les apports du fleuve tendront sans doute toujours à la remblayer et à l’exhausser. La lutte entre la machine qui creuse et la mer qui comble sera incessante ; mais les grands appareils dragueurs qu’on emploie aujourd’hui auront certainement l’avantage ; et leur puissance d’extraction permettra incontestablement d’abaisser le seuil de la passe à la profondeur voulue et d’assurer aux plus gros navires, sauf dans des cas extrêmes, leur entrée en Loire dans des conditions très satisfaisantes[1].
- ↑ De Joly. Creusement d’un chenal à travers la Barre des Charpentiers à l’embouchure de la Loire (Ann. des Ponts et Chaussées, 1897).