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au commencement de la guerre, sa politique acclamée par une assemblée sinon très autorisée, du moins élue ; enfin, l’indépendance du Sultan, naguère menacée par les giaours, mais résolument sauvegardée, demeurait immuable, et, en envoyant ses troupes sur le champ de bataille, Abdul-Hamid agissait non seulement on maître, mais en prince complètement d’accord avec le vœu de ses peuples. On annonça donc qu’à la suite d’élections nouvelles, rendues nécessaires par la loi organique récemment votée, le parlement se réunirait on novembre. Rien n’était plus régulier, et la constitution semblait être affermie après cette première épreuve. C’était cependant une illusion que ne partageaient point ceux qui, connaissant bien les véritables sentimens de la Porte, attendaient, pour juger de l’avenir, ce que le cours des événemens inspirerait à celui qui tenait entre ses mains le sort des institutions.


VIII

Nous n’avons pas à retracer ici les péripéties de la guerre pendant les cinq mois qui s’écoulèrent entre les deux sessions parlementaires. On sait quel développement la lutte a pris pendant cette période, et par quelle résistance opiniâtre, parfois héroïque, la Turquie a inquiété la Russie et ému l’Europe. Le succès final du tsar n’était pas douteux, mais enfin l’invasion rencontrait, sur les Balkans et en Asie, des armées nombreuses qui disputaient le terrain avec une énergie inattendue. Le Sultan pouvait espérer que d’aussi glorieux efforts, la lassitude de ses ennemis, peut-être même les démarches diplomatiques des Puissances intéressées à la paix de l’Orient, amèneraient une conclusion qui ne lui imposerait pas trop de sacrifices. Lorsque arriva l’époque fixée pour la rentrée des Chambres, le gouvernement n’avait donc rien à modifier du programme qu’il avait jusqu’alors estimé avantageux à sa politique intérieure et extérieure. Il jugeait même bon que les Cours étrangères vissent dans le maintien de l’état des choses une preuve de son esprit de suite et de la fermeté de ses résolutions. Puis, il se savait toujours en mesure de prendre, en cas de besoin, telles décisions qui seraient indiquées par les circonstances. Les droits conférés par le statut n’entravaient pas son action, qui s’exerçait aussi fortement que par le passé. Sans s’embarrasser des théories applicables à tous ses sujets, il