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ne prêter qu’une attention distraite, surtout en présence d’une guerre prochaine, à un incident subordonné au bon plaisir du prince, et dont le promoteur avait déjà disparu.

La procédure électorale, en l’absence d’une loi organique, avait affecté des formes assez variées. En général, les députés, presque tous candidats officiels, avaient été nommés par les medjlis chargés de l’expédition des affaires municipales, et qui n’avaient reçu aucun mandat politique. Dans plusieurs circonscriptions, on employa diverses combinaisons : en Bosnie, les conseils cantonaux reçurent une liste envoyée par le conseil administratif, et qu’ils approuvèrent en bloc. A Constantinople, certains notables choisirent pour chaque quartier deux électeurs qui désignèrent les députés. Parmi ces candidats, élus partout sous sa direction, la Porte avait placé avec intention plusieurs chrétiens ou juifs, surtout dans les districts où ces deux cultes ont de nombreux adhérens : elle était sans inquiétude sur les conséquences de cette impartialité, car le giaour, qui se sent faible et peut tout craindre, est encore plus soumis que le musulman.

Quant au niveau moral des députés, hommes presque tous inconnus, on n’avait à cet égard que des informations assez vagues. Il se trouvait parmi eux, comme, au surplus, dans la plupart des assemblées analogues, soit des propriétaires plus ou moins riches, soit des commerçans de diverses catégories, soit d’anciens fonctionnaires des tribunaux. Il y avait aussi, et en grand nombre, des employés de vilayet, surtout des agens particuliers des valis, et, à côté de personnes fort honorables, des individus signalés par des antécédens fâcheux. Andrinople, par exemple, envoyait tout ensemble un musulman qui s’était distingué par sa courageuse opposition à l’armement des bachi-bouzouks, et un indigène compromis dans les pillages bulgares. Janina avait élu un docteur en droit de l’Université d’Athènes, et Salonique, un Turc accusé de complicité dans le massacre des consuls. Parmi les choix heureux, je dois indiquer encore un Maronite, Khalil Ghanem, nommé à Beyrouth, jeune homme d’un esprit distingué, sincèrement libéral et d’une rare instruction. Deux députés de Constantinople étaient des personnages de rang élevé et doués d’une certaine expérience : Youssouf-Pacha, ancien ministre des Finances, et Ahmed-Véfik-Pacha, autrefois ambassadeur à Paris, et dont on vantait à bon droit l’intelligence supérieure : on disait plaisamment, il est vrai, que son érudition, un peu confuse