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historiques de 1863, de 1866 et de 1870 : sa conciliante affabilité semblait cependant le désigner plutôt pour des négociations moins orageuses. Il apportait à la Conférence toutes les qualités propres à faciliter un accord. L’unique plénipotentiaire d’Italie, le comte Corti, Piémontais de l’école de Cavour, instruit, spirituel, s’était initié, au milieu des vicissitudes de son pays, aux grandes questions internationales : son coup d’œil exercé, son jugement sûr, les connaissances acquises dans une carrière déjà longue et dans le poste dont il était depuis quelque temps investi, donnaient une valeur considérable à sa collaboration cordiale et prudente.

Les autres Cabinets avaient respectivement envoyé deux plénipotentiaires. Ceux de France étaient le comte de Bourgoing et le comte de Chaudordy. Le premier dirigeait depuis dix-huit mois notre ambassade à Constantinople : accrédité auparavant auprès du Saint-Siège, il avait quitté ce poste par un noble sentiment de fidélité à ses opinions religieuses. Grâce à un travail assidu, il était devenu compétent dans les questions orientales, et il les appréciait avec un esprit très éclairé, parfaitement juste et sage. J’ai été, en qualité de premier secrétaire, le témoin assidu de ses consciencieuses études, de son dévouement à une politique pacifique : l’élévation de son caractère lui assurait la haute estime de tous ses collègues. M. de Chaudordy passait à bon droit pour un de nos diplomates éminens : tacticien consommé, fécond en idées ingénieuses, apte à suivre tous les détours des affaires complexes, il avait, pendant la guerre de 1870, dirigé à Tours et à Bordeaux nos relations extérieures avec un courage et une dignité reconnus par toute l’Europe, et que, pour ma part, j’avais pu admirer de près, ayant l’honneur d’être alors son collaborateur ; il était certain qu’avec son intelligence alerte, l’autorité de son langage technique, les vives allures de sa conversation caustique et courtoise, sa bonhomie malicieuse et insinuante, il exercerait sur l’assemblée une très sensible influence. Le comte Zichy, premier représentant de l’Autriche et son ambassadeur à Constantinople, était environné des sympathies universelles : familiarisé par sa longue carrière avec les questions danubiennes, descendant d’une illustre race, séduisant par l’aménité de ses manières et de sa parole, il se faisait écouter aussi bien à la Porte que dans les cercles intimes avec une affectueuse déférence. Le Cabinet de Vienne lui avait adjoint un fonctionnaire distingué de la Ballplatz,