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appelé tout à coup à gouverner au milieu de tant d’orages.

En de telles conjonctures, les Cabinets européens, redoutant, pour la paix générale et pour leurs intérêts particuliers, non seulement les désordres en eux-mêmes, mais les problèmes et les pièges de la question orientale, poursuivaient entre eux des échanges d’idées, puis des négociations accentuées. Leurs antagonismes latens, l’attitude de la Russie, l’intensité de la crise, rendaient leur entente pénible et justifiaient leurs inquiétudes. Longtemps rassurés par les combinaisons qui neutralisaient leurs convoitises et ajournaient les décisions inopportunes, ils se voyaient sur un terrain brûlant. L’indifférence était impossible et l’action aléatoire. Ils préparèrent alors et discutèrent longuement divers programmes, conçus dans la pensée d’apaiser d’abord par des concessions les élémens slaves et d’écarter ainsi le danger d’une intervention russe. Les documens connus sous les noms de « Note Andrassy » et de « Mémorandum de Berlin » ne réunissaient pas tous les suffrages ; la Porte restait ombrageuse, la Russie mal satisfaite. A Constantinople, si vacillantes que fussent les directions, on s’acclimatait à l’idée de la résistance ; à Saint-Pétersbourg, on voulait un succès diplomatique et l’on parlait ouvertement d’en chercher un autre. Les provinces slaves qui se sentaient soutenues en Serbie, au Monténégro et ailleurs, demeuraient hostiles. Les pourparlers à distance entre les Cours étaient évidemment stériles ; il fallait renoncer à ces dialogues, si l’on ne voulait être surpris par des incidens pernicieux.

L’Angleterre prit alors l’initiative de proposer la réunion d’une Conférence, appelée à rechercher les meilleurs moyens de préserver la paix et d’améliorer le sort des populations chrétiennes dans les vilayets danubiens. L’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, la France et l’Italie, attachaient beaucoup de prix, pour diverses raisons, à arrêter l’expansion mal définie des élémens slaves, et leur adhésion était certaine. La Russie ne pouvait guère se refuser à une tentative de conciliation, qui associait en quelque sorte les Puissances à ses sympathies séculaires. La Porte, il est vrai, se méfiait, autant par expérience que par une susceptibilité nationale assez légitime, de l’immixtion des Cours occidentales dans ses affaires : mais, si elle eût écarté la proposition anglaise, elle eût été suspecte d’arrière-pensées violentes envers les groupes opprimés, et, de plus, elle eût paru douter de l’impartiale sagesse des Cabinets garans : après quelques lenteurs, et avec une visible