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donnent de très belles plumes tandis qu’elles n’en fournissaient autrefois que de médiocres. Un détail tendrait à prouver que les types actuels ont dégénéré : on ne connaissait naguère que les plumes « simples, » c’est-à-dire sans doublure ; tandis qu’elles sont très rares aujourd’hui, et ce qui semble « une plume » n’est autre chose que la juxtaposition de deux ou trois cousues ensemble.

Les contempteurs du passé objecteront sans doute qu’en perfectionnant la nature, par ce groupement subtil, ils utilisent des « couteaux, » — c’est le nom des spécimens communs, — dont, isolément, on ne pourrait rien faire. La plume brillante, veloutée, unissant la fermeté des duvets à la souplesse de la côte, bien « coiffée » aussi, c’est-à-dire ayant de l’arrondi dans sa forme, n’est pas facile à rencontrer. Le touriste paie avec joie et rapporte précieusement dans ses bagages, de Matarieh, près du Caire, d’Algérie ou du Cap, des plumes de 10 sous qui lui ont été vendues 10 francs. Mais les professionnels savent combien peu les 250 plumes, dont se compose ordinairement le kilo, peuvent fournir d’échantillons irréprochables.

Entre le moment où elles quittent les ailes de l’oiseau et celui où elles arrivent aux ateliers de la modiste, la plume de « fantaisie » et la plume d’autruche passent par une série de préparations : savonnées mécaniquement dans des tonneaux d’eau chaude, séchées à la vapeur, elles sont ensuite battues à la machine, après avoir été recouvertes d’une poudre d’amidon impalpable qui favorise leur épanouissement. D’autres procédés permettent de modifier presque à volonté la coloration primitive des plumes et de réunir même sur une seule des colorations différentes.

Parmi ces inventions récentes, l’une des plus notables consiste dans le blanchiment de la dépouille, grise ou noire, de l’autruche. La chimie n’obtint un résultat parfait qu’avec de longs tâtonnemens : elle se servit d’abord, pour dégrader les teintes sombres, du bichromate de potasse décomposé par l’acide sulfurique, qui donnait un ton plombé, un blanc impur ; plus tard, elle usa d’hydrocarbures et, spécialement, d’essence de térébenthine. Elle eut enfin recours à l’eau oxygénée, qui transforme aujourd’hui en plumes d’une blancheur éclatante, prêtes à être livrées telles ou nuancées en clair, toutes celles dont on ne pouvait jadis tirer parti qu’en les trempant dans des bains de couleur foncée.