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Mais elles n’arrivent pas à payer beaucoup plus de 150 francs les capotes signées des meilleurs noms, tandis qu’en 1340, un chapeau de velours fin était vendu 230 francs, et qu’une grande dame d’alors déboursait 2 000 francs de notre monnaie pour un chaperon brodé d’oiseaux et d’armoiries. La femme du menu peuple, à moins de se contenter d’un réseau de lin de 60 centimes, payait en ce temps-là son chapeau de paille 2 fr. 40 et son bonnet de toile environ 4 francs.

« Feutre » et « paille » servent encore, dans l’industrie, à désigner les diverses familles de couvre-chefs ; mais les matières premières dont ils se composent, sans parler de leur mise en œuvre, ont singulièrement varié : beaucoup de chapeaux de feutre sont en laine, beaucoup de chapeaux de paille sont en bois.

A mesure que le castor, trop rudement pourchassé dans les Montagnes-Rocheuses, devenait rare et enchérissait sur les marchés d’Europe, on le mélangea à d’autres poils moins précieux, — d’où le demi-castor ; — puis on se contenta de le poser « en dorure, » sur les anciens feutres à haute forme d’un gris rosâtre, à raison de 30 grammes par chapeau. Depuis que le poil de castor vaut 180 francs le kilo, son usage est presque nul. Le rat musqué aux reflets d’argent, importé de Buenos-Ayres, et le rat gondin, sorte de loutre terrestre, que les Etats-Unis vendent 45 francs la livre, sont trop coûteux aussi pour être pratiquement utilisés.

L’Allemagne nous envoie, avec ses propres lièvres, ceux d’Autriche, des Balkans et d’Asie, qu’elle centralise dans ses foires. L’Angleterre expédie les « garennes » d’Ecosse et d’Australie ; mais c’est surtout avec la dépouille de nos lapins nationaux que les manufactures françaises confectionnent le « melon » pour les chapeliers et la « cloche » pour les modistes. Sur 80 millions de peaux de lapin ou de lièvre, annuellement rasées dans notre pays, 70 millions environ viennent des simples clapiers indigènes. Le lièvre a la spécialité de fournir les sortes à longs poils ; le garenne est recommandé pour les qualités mates ; mais, suivant la préparation et le foulage qu’il leur fait subir, le fabricant obtient avec les humbles lapins de chou, tantôt le feutre « poncé » ou « taupe, » imitation de velours, tantôt le « posé » ou le « flamand » qui joue la loutre.

Pour qui s’intéresse au détail et au-dessous des choses, je dirai que notre chapeau rond ordinaire absorbe à peu près 100 grammes de poil, dont le prix est d’environ 1 fr. 60. Il