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défendent le scrutin uninominal ou la représentation des intérêts.

Ce qui arrivera le plus souvent, c’est que certaines opinions qui se croiraient sacrifiées viseront à conquérir une représentation distincte. Il y a là un correctif à un des abus qu’on dénonce fréquemment, et à juste titre, dans nos mœurs électorales : la prépondérance de comités spontanés et irresponsables qui prétendent régenter à la fois les électeurs et les élus. Leur prépondérance ne sera-t-elle pas fort entamée quand le candidat aura le moyen de secouer leur joug sans se condamner à une défaite certaine ? Cependant, cette tendance, en quelque sorte centrifuge, trouvera sa limite en elle-même. Outre la perte de prestige qui résulte de toute scission même inévitable, les partis qui s’émiettent s’exposent à ne plus trouver le minimum de voix nécessaire pour arriver à la répartition des mandats, et, si même les fractions, entre lesquelles ils se partagent, sont assez fortes pour éviter cet écueil, ils risquent, en multipliant leurs listes, de multiplier les excédens de suffrages qui n’entrent pas en compte. Supposons, dans une élection, où 3 000 voix représentent le chiffre de suffrages nécessaire pour obtenir un siège, un parti comprenant 9 500 électeurs, qui a droit, par conséquent, à trois sièges. Il n’en recevra plus que deux, s’il se fractionne en deux groupes respectivement de 5 000 et de 4 500 votans.

Pour renforcer l’action de ce correctif naturel, on a proposé de fixer un minimum de voix, — variant arbitrairement du tiers au sixième des suffrages valables, — que les candidats devraient réunir pour être élus ; c’est ce qu’on a intitulé le quorum. La plupart des proportionnalistes repoussent cette restriction de leur principe, parce qu’elle tend à augmenter, cette fois d’une façon artificielle, les fractions électorales non représentées. Elle reste pourtant un remède toujours applicable dans les pays où la division irait jusqu’à l’éparpillement ; c’est à l’expérience de prononcer. Provisoirement, cette expérience est de nature à nous rassurer. Au Tessin, ce sont les deux partis historiques, les conservateurs et les libéraux, qui continuent à se disputer la faveur du corps électoral. A Zug, à Soleure, à Neuchâtel, il y avait auparavant trois partis ; il n’y en a encore que trois aujourd’hui, bien que certaines circonscriptions neuchâteloises élisent de quinze à trente députés. A Genève, où il existait également trois partis en ligne, on en compte actuellement cinq, grâce au dédoublement des groupes qui confondaient naguère, dans des unions mal