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abracadabra si vous voulez, mais gardez la substance de la chose[1]. » Or, lorsque, dans la Convention de 1884, ces « matières spécifiées » furent restreintes au seul article 4, lord Derby déclara, à la Chambre des lords, que les choses étaient restées en l’état, et que, si le nom de suzeraineté a été omis, « l’Angleterre en avait gardé la substance[2]. »

Il est donc dûment constaté que la substance de la suzeraineté de 1881 tenait toute dans les stipulations exprimées aux divers articles de cette convention, et était passée inaltérée dans la Convention de 1884, condensée pour ainsi dire dans le seul article 4, c’est-à-dire dans le veto restreint de l’Angleterre contre tout traité du Transvaal avec les puissances étrangères. Mais, le gouvernement du Transvaal ayant déclaré à plusieurs reprises et dans la forme la plus solennelle qu’il respecterait ce droit de veto, il n’y avait, entre honnêtes gens, ni différend, ni collision possibles. L’Angleterre possédait vis-à-vis du Transvaal une certaine suprématie, cette suprématie tirait son origine d’une convention bilatérale ; la substance en était définie par l’article 4, et cette substance, la République sud-africaine la reconnaissait sans réticence ni détour.

On arrive à la même conclusion, en suivant le raisonnement auquel on s’est accoutumé à Downing-street. Là, on aime à dire que la Reine, qui était depuis 1879 la souveraine du Transvaal, céda, en 1881, ses droits de souveraineté, mais en retenant le droit de suzeraineté. Soit ! mais, en tout cas, ce qu’elle en retint n’était autre chose que ce qui fut stipulé expressément dans les articles de la Convention de 1881. Et comme, en 1884, elle céda de nouveau la plus grande partie des droits qu’elle s’était réservés encore en 1881, il est de toute évidence qu’à présent, tout ce qui lui reste de ces droits antérieurs est le veto restreint de l’article 4 de la Convention de 1884. Ni plus, ni moins. Ce n’est pas là le point de vue de M. Krüger qui, comme nous, a toujours stigmatisé l’occupation de 1879, la qualifiant de violation du traité de Zandrivier. Mais, en fait, cela revient au même. La suprématie que l’Angleterre, sous le régime du traité, peut faire valoir sur le Transvaal ne consiste actuellement que dans son droit de veto restreint, droit que le Transvaal n’a jamais contesté.

M. Chamberlain, au contraire, s’est cramponné désespérément

  1. « I do not care a brass button winch of these words you choose. You may call it Abracadabra, if you like, provided you keep the substance. »
  2. Acts of Parliament, p. 277 a. « We have kept the substance of it. »