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explication, même après cette période révolue[1]. L’article, en effet, dit expressément du secrétaire d’Etat : « Et il pourra, en donnant ou sans donner ses raisons, accorder ou refuser un certificat, comme il le juge utile au bien public, et sa décision sera sans appel[2]. » C’est dommage, vraiment, que M. Krüger n’ait pas connu, à Bloemfontein, le texte de cet article. Il eût pu le copier et mater ainsi sir Alfred Milner. Et encore, ce qu’on obtient en Angleterre par cette procédure, ce n’est que la petite naturalisation ! Pour être éligible au Parlement, il vous faut une loi spéciale[3], et dans la période de 1875 à 1878, cette grande naturalisation n’a été accordée qu’à trois personnes. Il suit de là qu’à Bloemfontein, l’Angleterre a voulu imposer au Transvaal bien plus qu’elle n’accorde elle-même aux étrangers résidant en Grande-Bretagne. Et quand M. Chamberlain se vante de ce que, dans la colonie du Cap, les citoyens d’origine néerlandaise sont mis sur le même pied que ceux d’extraction anglaise, il se permet d’intervertir singulièrement les faits. Au Cap, ce ne sont pas les Anglais qui ont naturalisé les Boers, mais ce sont les Boers qui, étant les premiers habitans de la colonie, y ont ensuite reçu les Anglais.

Du reste, les conditions additionnelles de la loi transvaalienne sont celles mêmes qu’on retrouve partout. L’étranger doit avoir la libre disposition de soi-même. Il doit posséder des moyens de subsistance. Il doit être d’une moralité irréprochable. Il doit affirmer son intention de devenir citoyen de l’Etat. Enfin il doit prêter serment de fidélité. La seule condition discutable est celle qui demande au naturalisé d’abjurer son ancien souverain, condition que dans la pratique, du reste, on a laissée tomber. Mais, même en imposant cette condition pénible, le Transvaal ne fit nullement preuve de barbarie, car elle n’est, comme on sait, que l’imitation pure et simple du modèle américain[4].

Il appert de là que, tant que le Transvaal se trouva dans des conditions normales et analogues à celles des États européens, il les devança par ses résolutions libérales et larges, n’exigeant qu’une résidence de deux ans contre les cinq, dix et même quinze ans de l’Angleterre, de la France, et de la Belgique.

  1. Naturalisation-Act, 1870. Victoria, 33. Art. 2.
  2. Statutes, p. 169.
  3. Bill., 6 Aug. 1844. Vict. c. 66. Cf. Cordogan, p. 181, note.
  4. Revised Statutes of the United States, 2e édit., 1876, Title 30.