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électoral, afin de donner aux Uitlanders une chance de supplanter les Boers, et d’angliciser de cette façon la République sans coup férir.

Malheureusement pour lui, son adversaire, dont Bismarck a dit que nul homme d’Etat en Europe ne le surpassait en sagacité et en rectitude de jugement, n’est pas tombé dans ce piège. Il a prolongé les négociations entamées, pour bien sonder les projets de M. Chamberlain, et pour faire preuve devant toute l’Europe de ses intentions conciliatrices. Mais, du moment qu’il a eu en main les preuves indéniables que M. Chamberlain le leurrait et cherchait à gagner du temps pour être à même de le surprendre avec une force supérieure, il a lancé contre lui l’accusation « de guetter la vigne de Naboth ; » et l’ultimatum a été adressé à Londres. Cet ultimatum, M. Chamberlain le reçut comme un bon atout dans son jeu. Ce serait donc lui l’homme de la paix, puisque ce serait M. Krüger qui aurait forcé la Grande-Bretagne à la guerre ! Et donc, que l’armée anglaise se mette en route pour sa promenade militaire à Pretoria ! Mais, au dehors, personne n’a été la dupe de cette interversion des rôles. Partout, sur le continent, l’opinion publique et la presse ont très bien compris que d’attendre patiemment jusqu’à ce que l’agresseur ait fini d’aiguiser sa lame, équivaudrait au suicide. Et quand on a vu entrer les soldats anglais à Pretoria, mais captifs, et les meilleurs généraux de l’Angleterre battus successivement par ces Boers tant méprisés, le cœur de tous les peuples a frémi du sentiment de la justice. C’est en effet au Dieu de justice que les Boers avaient fait appel : ils n’ont pas été confondus.


VI

De quels prétextes a-t-on essayé de couvrir l’effronterie de pareilles négociations ? Ils se divisent en trois catégories : les grandes questions de la suzeraineté et de la franchise (suffrage) auxquelles je reviendrai plus tard ; en second lieu, les griefs spéciaux attachés aux noms de Lombard, d’Edgar et de l’Amphithéâtre ; et enfin l’oligarchie vénale du gouvernement.

Pour commencer notre examen de ces plaintes par la dernière catégorie, certes, je ne songe pas à présenter le gouvernement boer comme un modèle. Le système politique des Boers est défectueux sous plusieurs rapports. Leur constitution, modifiable par simple résolution du premier Volksraad, manque