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députation, partie de Pretoria en 1878, fut traitée d’une façon presque blessante. Sir Bartle Frère, au Cap, déclara sèchement : « Le Transvaal est anglais et reste anglais. » Et Wolseley ajouta avec hauteur que le soleil disparaîtrait du firmament et que le Vaal remonterait à sa source avant que le Transvaal ne fût rendu aux Boers[1]. Mal lui en prit de sa forfanterie ! Onze mois après, le drapeau tricolore, à bande verte le long de la hampe, fut arboré à Heidelberg ; le triumvirat de Krüger, Pretorius et Joubert fut investi de pouvoirs discrétionnaires, et, par leur proclamation, les Boers exaspérés reprirent leur indépendance, protestant au nom du Dieu trois fois saint contre la perfidie de l’Angleterre. Le général Colley accourut de la Natalie avec ses régimens écossais, mais il fut battu et tué à Amajuba, le 27 février 1881. De Londres, on expédia des ordres pour conclure un armistice. Il était temps. Déjà les commandos de l’État libre se mettaient en marche pour descendre dans la Natalie[2]. Les préliminaires furent conclus à Langsnek, et, le 3 août, on signa à Pretoria une convention qui restituait au Transvaal son indépendance intérieure, mais, hélas ! sous la suzeraineté de la reine d’Angleterre.

Toutefois cette convention devait être de courte durée. Les Boers refusaient d’acquiescer à la suzeraineté. Les demi-mesures leur inspiraient pour l’avenir une méfiance indicible. Et une nouvelle députation, composée de Krüger, du Toit et Smidt, s’embarqua pour Londres, afin d’obtenir une modification radicale. Cette fois ils rencontrèrent dans la capitale un esprit de conciliation, et quoique lord Derby, gêné par l’opposition, surtout à la Chambre des lords, fût obligé de ménager les apparences, il signa, le 27 février 1884, la fameuse Convention de Londres, par laquelle la suzeraineté fut virtuellement abolie, et la République sud-africaine reconnue comme État entièrement indépendant et libre, toute ingérence de l’Angleterre étant restreinte à ce seul point, que les traités avec les puissances étrangères (à l’exception de ceux avec l’État libre) après avoir été complétés, resteraient soumis au veto de l’Angleterre[3]. Ce fut M. Gladstone qui, calviniste lui-même et comme tel comprenant les Boers, répandit l’huile de son idéalisme sur les vagues furieuses des

  1. Aitton, p. 292-293. A l’honneur de M. Froude, j’aime à constater ici qu’il déclara déjà en 1880 : « Le Transvaal, en dépit des préventions contre le drapeau britannique, sera, je l’espère, restitué à ses légitimes propriétaires. »
  2. Du Plessis, The transvual Boer speaking for himself, p. 119.
  3. Recueil général des traités, de Martens, continué par Hopf, 2e série, I. X, p. 184.