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contre 748 536 blancs. C’étaient là du moins les chiffres de 1891, mais on devine de quelles quantités ils se sont accrus depuis lors. Déjà ces noirs, en tant que christianisés, sont entrés en relations avec les coloured d’Amérique. Un « évêque méthodiste de couleur, » — a coloured Bishop, — est venu présider une sorte de concile nègre en Afrique. Et n’allez pas croire que le christianisme de ces noirs ait oblitéré leur passion de race ! Lors de ma tournée en Amérique, l’an passé, j’ai eu des conversations très confidentielles avec « des gens de couleur de toute condition, » et j’en ai rapporté la conviction que la conquête sur les blancs reste encore et toujours leur idéal chimérique. Abel était le noir, et le signe de malédiction que le Seigneur mit sur Caïn fut très sûrement qu’il le blanchit. Du reste, la scène violente de Wilmington, en 1898, l’a prouvé une fois de plus : entre noirs et blancs, il n’y aura jamais réconciliation définitive. Et si, tôt ou tard, la lutte d’extermination entre noirs et blancs devait éclater de nouveau dans le Sud-Africain, toutes les responsabilités en retomberaient sur M. Chamberlain et ses journalistes jingoes, qui, hors de tout propos et avec une outrecuidance plus que téméraire, ont attisé entre noirs et blancs une haine dont vainement, quand il ne sera plus temps, ils s’évertueront à éteindre la flamme livide.


V

Ce serait se méprendre du tout au tout sur le remuant fanatisme des coloniaux jingoes du Cap et de Londres que de supposer qu’ils auraient donné aux tendances vers l’équité et la réconciliation, qui avaient inspiré les traités de Zandrivier (1852) et de Bloemfontein (1853), ce que, dans leur propre langue, ils appellent si noblement a fair chance. Ces traités avaient reconnu comme absolument indépendans et sans aucune entrave, même pour leur politique extérieure, la république Sud-Africaine et l’Etat libre, dont la première équivalait en superficie à la Grande-Bretagne tout entière (308 600 kilomètres carrés contre 314 628) ; l’autre à la Bavière, le Wurtemberg, le Grand-Duché de Bade et l’Alsace-Lorraine pris ensemble (138 070 kilomètres carrés contre 125 097)[1]. A Downing-street, on s’était résigné,

  1. Leurs budgets s’élevaient déjà en 1897 : pour le Transvaal, à 160 millions, et pour l’État libre, à 26 millions de francs. — Staats-almanak du Transvaal, 1899, p. 59. Official Handbook of the Cape, p. 450.