Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/503

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

patriarche boer. Ni dans l’Etat libre, ni dans le Transvaal, la présence des indigènes sur les fermes boers ne soulève la moindre difficulté ; et la preuve la plus concluante des excellentes relations qui existent entre eux et leurs serviteurs noirs, se trouve dans ce fait qu’il n’y a point dans tout le pays la moindre émeute à signaler, maintenant même que toute la population mâle a passé la frontière, et qu’il n’y a avec les Cafres, sur ces fermes isolées et si étendues, que des femmes et des enfans. Les Boers regardent d’un mauvais œil non pas la mission, mais la mission anglaise, dont ils conservent de trop tristes souvenirs. Un missionnaire suisse, au contraire, rapporte du Transvaal : « Les Boers eux-mêmes demandent des évangélistes pour les indigènes établis chez eux[1]. A Pretoria, les Cafres ont deux églises avec leurs pasteurs. » Et un missionnaire allemand nous raconte comment le général Joubert, revenant de son expédition contre le cruel chef Mpefo, visita sa station et exprima sa joie de se trouver parmi des Cafres christianisés et comme tels adorateurs du même Dieu que son peuple[2].

J’ajoute que les Boers ont toujours envisagé résolument le péril noir, que les Anglais s’obstinent à perdre de vue. Les noirs augmentent dans l’Afrique australe de la manière la plus inquiétante. Jadis ils se massacraient entre eux chaque automne. Mais, à présent qu’ils ont cessé d’être nomades, ils se multiplient d’année en année, et bientôt ils atteindront un chiffre qui deviendra menaçant pour les blancs, Boers ou Anglais. Une extinction graduelle, comme celle qui a détruit les Indiens d’Amérique, n’est ici nullement probable. En 1805, il y avait dans la colonie du Cap 60 000 noirs, Javanais compris[3] ; maintenant ils sont au nombre de 1 150 337[4]. Les Basoutos sont au nombre de 250 000. Au Bechuanaland, on évalue les naturels à 250 000[5]. Au Transvaal, on en trouve 763 225[6]. Dans l’Etat libre, il y en a 128 787. Enfin, en Natalie, il y en a 459 283, sans compter les 50 000 Indiens[7], soit un total de 3 à 4 millions de noirs,

  1. Bulletin de la mission romande, mai 1899, p. 371.
  2. Berliner Missionsberichte, oct. 1899, p. 643. L’église réformée entretenait déjà en 1890 vingt-huit missionnaires, parmi les naturels. Voir Afrikaander Staats-almanak, 1892, p. 71.
  3. Aitton, Histoire Sud-Africaine, p. 196.
  4. Official Handbook, p. 233.
  5. Statemans Yearbook, p. 180 et 182.
  6. Staats-almanak, p. 53.
  7. Cape Argus, p. 403.