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dogues pour les dévorer. Ses propres paroles étaient : « Vous ne ferez pas mal d’essayer d’inoculer la petite vérole aux Indiens par le moyen de couvertures saturées de virus, comme aussi bien d’employer toute autre méthode qui vous paraîtra propre à exterminer cette exécrable race, et par exemple de leur faire donner la chasse par des chiens[1]. »

Il n’est pas nécessaire de dire que je ne songe point à imputer ces monstruosités au caractère anglais. Je suis convaincu qu’il n’est pas à Londres un homme de cœur qui ne les condamne et ne les abomine. Mais ce que j’ose prétendre, c’est qu’avec des pages aussi sombres dans leur propre histoire, les Anglais n’ont pas suffisamment médité la parabole de la poutre et du brin de paille, avant de se dresser, dans ce temps-là, en accusateurs des Boers. Et ce qui se comprend plus clairement encore, c’est que les missionnaires anglais qui, comme le docteur van der Kemp, le docteur Philips et M. Read, se firent les infatigables instigateurs du mouvement anti-boer, qui, dans leur passion méthodiste, taxèrent leur calvinisme d’hypocrisie, et qui ne cessèrent d’exciter contre eux le gouvernement du Cap et les chefs indigènes, n’aient jamais été bien vus dans leurs cercles. Trop souvent, dans les stations anglaises, ces missionnaires se constituèrent plutôt en pionniers politiques qu’en ambassadeurs du Christ, et le système, Glenelg-system, qu’ils essayèrent d’appliquer, avorta déplorablement[2]. Aussi les Boers savaient-ils trop bien qu’ils n’avaient pires ennemis que ces messieurs en lévite noire, et s’efforcèrent-ils de les tenir à distance.

Les Boers ne sont pas des sentimentaux, mais des hommes au génie pratique. Ils ont compris que ces Hottentots et ces Bantous étaient d’une race inférieure, et que les mettre sur un pied d’égalité avec les blancs, dans les familles, dans la société et dans la politique, n’était tout simplement que de la folie. Ils ont compris, en outre, le danger des liaisons mixtes, et, pour soustraire leurs fils à ce fléau, ils leur ont inculqué l’idée que l’accouplement avec la fille cafre serait un inceste. Mais, d’ailleurs, ils les ont traités en bons enfans, ils les ont habitués au travail, ils ont adouci leurs mœurs, et dans le Sud africain, vous ne trouverez homme plus entendu au commerce avec les naturels qu’un

  1. P. 690. Les originaux de ces lettres se trouvent au British Museum, parmi les Bouquet papers, n° 21, 634.
  2. Theal, p. 126.