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prit l’habitude, — c’est encore M. Froude qui le dit, — d’attribuer toutes les vertus aux naturels, et aux Boers toutes les injustices[1]. M. Purvis se voit toutefois contraint de constater que « le gouvernement exagéra les complaisances pour les esclaves, alors qu’ils foulaient aux pieds les droits des colons[2]. » Même M. Colenso, le grand évêque du Natal, quand il eut rectifié son jugement sur place, en 1880, dans une lettre à sir F. W. Chasson, rendit aux Boers ce témoignage digne d’être retenu : « Ma conviction est que nous avons indignement traité les Boers, tandis qu’au contraire ils agissaient admirablement, dirigés qu’ils étaient par la sagesse de leurs chefs, et faisant tout ce qu’ils pouvaient pour éviter l’effusion du sang. Et, quant à ce qui est de leur conduite à l’égard des indigènes, les Boers ont-ils jamais rien fait d’aussi monstrueux que nous, quand nous faisions sauter à la dynamite, dans les cavernes d’Indomo, des centaines de femmes et d’enfans[3] ? »

Je ne nie pas que les Boers aient été parfois trop sévères et qu’ils aient commis des excès, mais il reste acquis que la grande enquête, comme nous l’avons vu, tourna à leur justification ; et, en tout cas, ce que les colons d’origine anglaise se permirent en pareille circonstance surpasse tout ce que l’on peut mettre à la charge des Boers. Le plaidoyer de Mrs. Beecher Stowe pour les esclaves d’Amérique ; sous leurs maîtres d’origine anglaise, n’est pas encore oublié. Dans les guerres qu’ils ont provoquées sans cesse avec les Cafres, Colenso nous rappelle les 10 000 Zoulous qu’ils ont tués en une seule rencontre[4]. La manière dont ils ont traité les envoyés de Lobengula est une honte pour la Chartered Company. Ce que les bombes à la lyddite et les balles dum-dum ont fait lors de la conquête récente du Soudan effraie l’imagination. Et le biographe de Colenso nous montre, par des documens officiels, que, dans leurs guerres avec les Indiens d’Amérique, leur général, sir Jeffrey Armherst, n’hésita pas à donner l’ordre au colonel Bouquet de distribuer parmi eux des couvertures saturées du virus de la petite vérole, et d’employer des

  1. p. 15 et 8.
  2. p. 15 et 8.
  3. The life of John William Colenso, II, p. 533 et 549. — D’autre part, dans le Wiesbadener Tagehlatt, le comte de Marillac assurait, la semaine passée, qu’en 1883, lors de sa visite au Cap, un fonctionnaire anglais, qui avait participé entre 1875-1880 à la guerre des Anglais contre les tribus des Gaïka, lui raconta comment un colonel avait donné l’ordre to take the captives to the rear, ce qui voulait dire que tous les prisonniers cafres devaient être fusillés derrière une colline.
  4. The life of John William Colenso, II, p. 533 et 549. — D’autre part, dans le Wiesbadener Tagehlatt, le comte de Marillac assurait, la semaine passée, qu’en 1883, lors de sa visite au Cap, un fonctionnaire anglais, qui avait participé entre 1875-1880 à la guerre des Anglais contre les tribus des Gaïka, lui raconta comment un colonel avait donné l’ordre to take the captives to the rear, ce qui voulait dire que tous les prisonniers cafres devaient être fusillés derrière une colline.