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pratiques pour s’obstiner dans une procédure qui enlèverait toute sincérité à leur organisation parlementaire.

Certains cantons suisses, plus logiques, recommencent l’élection jusqu’à ce qu’on obtienne une majorité absolue. Cette solution est d’une application difficile, lorsqu’il faut mettre en mouvement de grandes masses d’électeurs, et elle peut conduire à une impasse. En 1889, dans la circonscription de la Chaux-de-Fonds, une des plus importantes de Neuchâtel, trois scrutins successifs ne donnèrent aucun résultat ; et les partis durent se résigner à s’entendre pour former une liste de candidatures où chacun d’eux recevait sa part proportionnelle. — La loi française a combiné les deux solutions, en décidant qu’il y aurait un second tour, mais que l’élection s’y ferait à la majorité relative. C’est retomber dans les inconvéniens de la législation anglaise ; même si, dans l’intervalle, certains candidats se retirent, celui qui l’emportera finalement ne sera jamais, de par ses origines, que le représentant d’un groupe en minorité dans le corps électoral.

Un quatrième expédient, — peut-être le plus mauvais, — est celui qui avait prévalu en Belgique. Dans le système français, tous les candidats du premier tour peuvent rester sur la brèche ; de nouvelles candidatures peuvent même surgir entre les deux scrutins, et la liberté de l’électeur demeure entière. En Belgique, les électeurs n’avaient le choix qu’entre les deux listes ou les deux candidats les plus favorisés au premier tour. Il en résultait, à plus forte raison, que les élus étaient les représentans d’une simple minorité, et, pour comble d’illogisme, c’est le groupe dont les candidats étaient définitivement écartés, trop faible lui-même pour obtenir un seul siège, qui décidait souverainement du sort de la journée. Lors des élections de 1898 pour le Conseil provincial, dans les cinq cantons de l’agglomération bruxelloise, où la lutte s’était établie entre les trois partis, les libéraux avaient réuni 38 450 suffrage s ; les catholiques, 29 400 ; les socialistes, 21 500. Au ballottage, les catholiques, dans les trois cantons où ils avaient été mis hors de cause par le premier tour, votèrent pour les libéraux ; les socialistes en firent autant dans les deux cantons où ils avaient été écartés d’emblée, si bien que le parti libéral emporta trente-quatre sièges ; ses deux concurrens n’en obtinrent aucun. — Que les cas de ce genre se multiplient, c’est une juxtaposition de mandataires désignés par des groupes en minorité dans leurs circonscriptions respectives qui prétendra représenter la