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vue obligée d’abandonner, on leur imposait ce joug dix fois maudit de la suprématie anglaise. Cet état de choses ne pouvait durer longtemps. Les indigènes excités y mirent fin en harcelant les Anglais jusque dans la colonie du Cap. D’autres hommes d’Etat, de vues plus libérales, s’installèrent à Downing-street. Le gouverneur du Cap, sir Harry Smith, reconnut lui-même la nécessité d’en finir avec cette politique d’agression, et une nouvelle ère commença. La Natalie resterait colonie anglaise, mais on se retirerait de l’Orange et du Vaal ; et c’est ainsi que l’indépendance du Transvaal fut reconnue par le traité de Zandrivier, le 17 janvier 1852, et l’indépendance de l’Etat libre par la convention de Bloemfontein, le 22 février 1854.

Pourquoi donc les idées de justice et d’équité qui avaient inspiré ces deux traités n’ont-elles pas continué à guider les conseils de Downing-street ? L’Angleterre se serait ménagé des alliés sincères et reconnaissais, et tout le monde l’aurait applaudie. Le premier Président, M. Brandt, le déclara tout net : « Vos amis et vos alliés, nous voulons l’être, mais vos sujets, jamais[1] ! » Malheureusement l’Angleterre ne l’a pas voulu. Ces traités ont été violés tous les deux : celui de Bloemfontein par le vol judiciaire de Kimberley ; celui de Zandrivier par l’annexion tout arbitraire de 1879.


IV

Mais pourtant on aurait tort de ne pas reconnaître que, durant cette première période, le motif auquel obéissaient les Anglais dans leur action contre les Boers relevait encore de l’ordre moral ; quoique déjà imprégné d’ambition, il ne trahissait encore en rien cet égoïsme brutal, ce matérialisme farouche dont M. Chamberlain s’est fait depuis l’apôtre acharné. Peu soucieux des droits réels de leurs anciens colons, les Anglais se piquaient de défendre les droits supposés des indigènes. Trompés par les rapports, peu dignes de confiance, de leurs missionnaires, et fourvoyés par l’amour sentimental de l’homme primitif, à la mode en ce temps-là, la plupart d’entre eux, tant chrétiens que déistes, étaient convaincus que les Boers maltraitaient les naturels et que l’Angleterre avait reçu de Dieu la mission de les protéger. C’était le temps des Aborigines protection Societies, si éloquemment flétries

  1. Froude. p. 43.