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farmers anglais, ou même aux settlers d’Amérique. C’est plutôt une race conquérante, qui s’est établie parmi les Hottentots et les Bantous, comme les Normands, au XIe siècle, se sont installés parmi les Anglo-Saxons. S’abstenant de tout labeur manuel, ils s’occupent de leurs propriétés, parfois de 2 000 à 3 000 hectares, où ils élèvent des chevaux et du bétail ; quant au reste, la grande affaire de leur vie est la chasse, même aux fauves. Ce sont d’intrépides cavaliers, et ils s’exercent sans relâche au maniement des armes. Sans être d’une culture raffinée, ils brillent par cette sagesse inspiratrice qui de tout temps a été le privilège des nations de pionniers au début de leur développement historique. De là leur soif d’indépendance et leur amour insatiable de liberté sociale et politique. Ils ont l’échine trop dure pour courber la tête sous le joug de qui que ce soit. Nulle part il n’y a une public life plus développée et plus généralement répandue. Le Boer est l’homme politique et militaire par excellence. Ils ont tous leur journal qu’ils ne lisent pas seulement, qu’ils étudient. Leur organisation est toute démocratique. Ils choisissent eux-mêmes leur Président, leurs magistrats, leurs juges et jusqu’à leurs officiers, qu’ils appellent veldkornet et kommandant. Quoiqu’ils ignorent toute discipline militaire au sens de nos armées européennes, ils combattent d’une manière parfaitement homogène et convergente, chacun d’eux étant son officier à soi et coopérant de sa propre initiative au but que leur kornet leur indique. Leur religion, toute calviniste, est l’âme même de cette existence chevaleresque, et ne fait qu’un avec elle. L’Ancien Testament, surtout, les a pénétrés de la haute valeur d’une piété fervente pour la consolidation de la force nationale. C’est ainsi qu’ils ouvrent leur conseil de guerre par la prière et qu’en marchant à la bataille ils chantent les psaumes de David, faisant ainsi revivre les traditions des armées de Gustave-Adolphe, des Huguenots et de Cromwell. Sous le rapport religieux, leur prédilection bien marquée pour le protestantisme ne saurait étonner chez les descendans des Gueux et des Huguenots, mais il n’est pas vrai qu’ils excluent pour cela les catholiques romains de tout service d’Etat. Le docteur Leyds m’a donné les noms de plusieurs catholiques actuellement fonctionnaires de la République sud-africaine[1] ; et lorsque les Anglais, en 1804, prirent possession du Cap, ils y

  1. On sait en outre que, le 20 août 1899, le président Krüger a proposé au Volksraad une modification à l’article 31 de la constitution.