Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/491

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

caractère fait d’énergie latente. Parce qu’en hiver ils n’avaient vu dans ces maigres ruisseaux qu’un filet d’eau gelée et inoffensive, ils ne se sont jamais rendu compte du torrent formidable qu’au printemps la fonte des neiges ferait bientôt descendre dans leur lit débordé.

Aussi, bientôt après l’occupation du Cap, en 1814, les choses entre les colons et leurs nouveaux maîtres se gâtèrent-elles. Les fermiers de la frontière du Nord, surtout, refusèrent de s’accommoder aux nouveaux procédés. Un d’entre eux, du nom de Bezuydenhout, résista tout seul à une compagnie de soldats. Il fut tué sur place. Sa femme, le fusil à la main, jura de le venger. Une émeute éclata. Acculés par une force militaire trois fois supérieure, les quelques récalcitrans furent pris, jugés, et cinq d’entre eux condamnés à être pendus, tandis qu’on forçait les autres à assister à leur pendaison. Le 9 mars 1816, la potence fut érigée au haut d’une colline, devant une foule de colons accompagnés de leurs femmes et de leurs enfans. Bientôt les cinq condamnés se balancèrent l’un à côté de l’autre, accrochés à la même poutre. Ils avaient déjà perdu connaissance, quand la poutre se rompit sous leur poids. Les cinq corps gisaient à terre. La respiration suffoquée se ranima chez ces malheureux. La foule y vit la clémence de Dieu et, poussant des cris déchirans, implora la grâce du juge anglais. Mais lui, homme d’une sévérité que rien ne troublait, resta inexorable. Les condamnés furent pendus une seconde fois, et livrés de nouveau aux angoisses d’une mort plus affreuse. Les assistans donnèrent à cet endroit le nom de Slachtersnek, ce qui veut dire : Colline de la Boucherie ; et, de l’aveu des auteurs anglais eux-mêmes, jamais plus le souvenir de cette horrible exécution ne s’est effacé de la mémoire des fermiers hollandais. Remember Amajuba ! tel a été le cri de guerre des beaux grenadiers d’Ecosse ; N’oubliez pas Slachtersnek ! resta pendant tout un siècle le cri de vengeance des Boers scandalisés.


II

Toutefois il ne faut pas identifier d’une manière trop absolue les Boers avec les Hollandais. Dès le mois de janvier 1659, débarquait au Cap un groupe de huguenots français, comptant environ 300 personnes, et suivi de près par 17 familles piémontaises[1].

  1. Chase, History of South-Africa, p. 108. Ils partirent du Texel sur le Lange Maaiken et trois autres navires. Chase donne cette liste officielle des noms de famille : Anthonarde, Avis ; — Basson, Bastions, Beaumons, Benezat, Bota, Briet, Bruet ; — Camper, Cellier, Corbonne, Corban, Claudon, Cordier, Carpenant, Couteau, Couvret, Crogne ; — Dailleau, Debuze, Debeurier, Du Plessy, Decabrière, Delporte, Deporte, Deruel, Dumont, Dupré, Du Toit, Durant, Dubuisson ; — Extreux ; — Fracha, Foury, Floret, Fraichaise, Furet ; — Gauche, Grillon, Gardiol, Gounay, Goviand, Grange ; — Hugot ; — Jacob, Joubert, Jourdan ; — Lanoy, Laporte, Laupretois, Le Clair, Le Clerq, Lefebvre. Le Grand, Lecrivent, Lombard, Longue ; — Maniel, Martinel, Mesnard, Madan, Malan ; — Nice, Norman, Nortié ; — Passeman, Pérou, Pinnares, Prévot, Pelanchon ; — Rassimus, Relief, Rousse, Resne ; — Savoye (Jacques), Sellier ; — Terreblanche, Terrier, Tenayment, Terront ; — Vallete, Vaudray, Vanas, Valtre, Verbal, Villons, Viviers, Vyol. Villion, Vivet, Viton, Vitroux, Verdette, Verdeaux, Vyton. Il ressort de cette liste que la famille Joubert appartenait aux huguenots.