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malsonnantes. Certes, le temps a adouci ces antipathies de race : en Hollande, les cercles ne manquent pas qu’on accuse même d’anglomanie ; et, d’autre part, un historien comme Rogers, dans son History of Holland, a reconnu sans ambages non seulement que l’Angleterre était redevable à la Hollande d’une partie considérable de sa civilisation, mais aussi que l’Angleterre l’avait fort mal payée de ses appréciables services[1].

A l’époque de la prise de possession du Cap, les relations étaient encore très tendues, et M. Theal, le célèbre historien du Cap, ne craint pas de dire que les colons néerlandais considéraient les Anglais « comme bien plus arrogans que tous les autres mortels, insatiables dans la poursuite de la richesse, sans respect pour les droits d’autrui, et regardant toutes choses avec des yeux troublés par le préjugé national[2]. » L’aversion d’ailleurs était réciproque. Le capitaine Percival nous raconte que, « pour les Anglais, les colons étaient une race insociable, inhospitalière et rustre, et leurs actions, toujours inspirées par des motifs mercantiles et intéressés[3]. » Des deux côtés, il y avait de l’exagération, sans doute ; mais, en tout cas, c’est la preuve évidente que les deux élémens qui désormais seraient contraints de vivre ensemble là-bas se prêtaient bien mal à une fusion plus intime.

Le caractère national des Anglais diffère foncièrement, en effet, du caractère hollandais. Tous deux ont leurs qualités très accusées, mais entre les deux il y a incompatibilité absolue. Pour tout ce qui est de la belle apparence, de l’action instantanée et énergique, des larges conceptions et de l’organisation matérielle, les Anglais sont, sans contredit, supérieurs ; mais cette médaille a son revers dans leur amour pour le show, dans leur impuissance à bien observer, et dans leur penchant à confondre l’idée de l’organisation avec l’effort tendant à angliciser tout le monde. Le Hollandais, au contraire, moins amateur de parade, est trop lent dans le développement de ses projets, il laisse faire, et subit les impressions, se contentant trop longtemps d’observer les choses d’un œil attentif ; mais, dès l’instant que son énergie dormante se réveille, il s’est toujours montré doué d’une persévérance et d’une ténacité que rien n’ébranle. Ni les Espagnols, au XVIe siècle, ni les Anglais du Cap n’ont jamais compris ce

  1. Dans la collection : The story of the nations, à la dernière page.
  2. South-Africa, p. 116.
  3. Account of the Cape, p. 223.