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de consolider les conquêtes du fameux Hastings dans les Indes orientales, il lui parut indispensable de s’assurer, au Cap, une station navale. Le capitaine Robert Percival, — un de ses agens probablement[1], — qui, dans un voyage de reconnaissance, visita le Cap en 1803, n’hésita pas à le déclarer. « La prise de possession des ports du Cap, en effet, suffirait presque à réduire tous nos ennemis en notre pouvoir[2]. »

Cependant, ni en Amérique, ni au Cap, l’Angleterre n’a su gagner les sympathies de ses nouveaux sujets d’extraction hollandaise. Tout effort de fusion entre eux et elle s’est brisé contre la ténacité de la race des Pays-Bas. Même à présent, après deux siècles, en Amérique, l’animosité des gens d’origine néerlandaise contre l’Angleterre est demeurée tout aussi vive. Au Metropolitan Club de New-York, je les ai entendus discourir contre les injustices et les violences de l’Angleterre comme on ne l’a jamais fait ni en Natalie ni à Pretoria. Quoiqu’ils aient maintenant perdu jusqu’au souvenir de leur langue maternelle, partout cependant ils s’associent encore en unions, dites Holland Societies. Leur origine hollandaise leur est comme un titre de noblesse dont ils sont fiers, et, lors de la grande guerre de l’Indépendance, ils ont scellé de leur sang leur aversion pour tout ce qui est anglais. Or, dès le commencement, la même chose s’est vue au Cap[3]. Le capitaine Percival en témoignait lui-même en 1803 : « Un Anglais sera surpris de l’aversion et même de la haine que les Hollandais paraissent éprouver pour nous[4]. »

C’était le contre-coup de la rivalité des deux grandes puissances navales du xviiie siècle, lutte dans laquelle la Hollande avait succombé. Le ressentiment contre la « perfide Albion » n’avait pénétré nulle part dans l’esprit national plus profondément qu’aux Pays-Bas ; et l’Angleterre elle-même avait rendu ce ressentiment plus amer par la manière hautaine dont elle n’avait cessé d’appliquer à la Hollande le Væ victis ! — Dutch et double Dutch sont encore, parmi la populace anglaise, des expressions

  1. Le même capitaine visita de la même manière Ceylan, qui, comme le Cap, était alors une colonie hollandaise, et que l’Angleterre convoitait. Son rapport sur Ceylan porte le titre identique d’Account of Ceylon.
  2. Account of the Cape, p. 330. Il ajoute : « Ces considérations, sur une grande partie de nos territoires, sont par elles-mêmes, indépendamment de toutes autres, certainement suffisantes pour justifier une tentative de prise de possession du Cap. » (P. 394. )
  3. Chase. History of South-Africa, p. 349.
  4. Percival. p. 305.